En même temps cette Église est romaine, autour d'un homme (le pape) et d'une administration (la curie), où l'Europe se taille encore la part du lion. Paradoxe ? Déséquilibre ? Ce n'est pas le moindre défi posé à l'Église catholique, désormais minoritaire en son centre. Henri Tincq connaît bien la planète catholique, qu'il a parcourue pour Le Monde depuis 1985. Dans Les catholiques, il fait le bulletin de santé de la plus grande Église chrétienne. Il l'ausculte sous plusieurs angles : la Ville (Rome et la papauté), la mémoire, le pouvoir, la doctrine, la morale (si incomprise aujourd'hui), le rituel, les « tribus » (du « tradi » au « rebelle ») et la géographie. Ni encyclopédique, ni chronologique, le livre est stimulant. Le spécialiste reconnu (Henri Tincq fut prix Templeton du meilleur journaliste religieux pour 2002), est aussi un narrateur expressif. Pour qui, dans l'Église comme en dehors d'elle, s'interroge sur le destin de cette institution d'un milliard d'hommes, son travail est précieux. Une charnière, pour Tincq, fut le concile Vatican II.
Pour Nicolas Senèze aussi, d'autant plus que le journaliste de La Croix a travaillé la question de La crise intégriste. Les réticences de Mgr Marcel Lefebvre lors du concile sont devenues une rébellion - et depuis 1988 un schisme, quand il a ordonné quatre évêques sans le feu vert de Rome. Dans une étude très détaillée, Nicolas Senèze marque le 20e anniversaire de cette rupture, qui concerne surtout la France et la Suisse. Pour qui ne l'aurait pas compris, son livre démontre bien qu'il ne s'agit pas seulement d'une affaire de rite (messe pré ou post-conciliaire), mais bien d'un désaccord sur plusieurs grands textes de Vatican II. C'est bien ce qui explique que les tentatives de réconciliation de Jean Paul II, relayées par le cardinal Ratzinger dès les années 80, puis du pape Benoît XVI depuis 2005 (par exemple le motu proprio favorisant la messe tridentine), n'ont jamais réussi à raccommoder cette déchirure dans l'Église catholique.