De retour de voyage, je prends d’un seul coup connaissance de tout ce que La Croix a écrit contre « les intégristes » depuis le 3 février jusqu’aujourd’hui.
C’est, d’une manière presque officielle, et en tout cas certainement officieuse, la pensée dominante, sur ce sujet, dans l‘épiscopat français.
Au centre, le sophisme décisif, un gros sophisme sur Vatican II.
I. – Les trois opérateurs. – Signe exceptionnel, le grand texte paru le 4 février dans La Croix n’a pas une ou deux signatures, mais trois, ce qui indique fortement son caractère authentique et autorisé.
Le premier des trois est Nicolas Senèze, avec sa compétence (supposée) de nouveau spécialiste de La Croix et de l‘épiscopat en matière d’anti-intégrisme systématique (cf. Présent du 16 et du 17 octobre). La seconde est Isabelle de Gaulmyn, qui apporte sa caution de correspondante romaine. Et le troisième, apparemment, n’apporte rien ; il fait nombre.
II. – Préparation du sophisme. – Je cite : « Souvent présenté comme concile “pastoral”, Vatican II… » C’est-à-dire : qu’il ait été « présenté comme pastoral » n’est qu’une opinion parmi d’autres, et c’est elle qui gêne le plus les conciliophiles et intégrophobes. En effet, si ce concile a été pastoral, ils ne peuvent plus dire qu’il a « autant d’autorité » et « plus d’importance » que le concile de Nicée. Vatican II, alors, n’est plus un dogme ; encore moins un super-dogme.
Or justement : que Vatican II ait été uniquement pastoral, ce n’est pas une opinion ; c’est un fait historique.
Le Concile lui-même l’a dit, comme d’ailleurs l’avait dit Jean XXIII. Au cours des débats, chaque fois que la majorité refusait une demande de précision doctrinale, elle justifiait son refus par l’argument :
— Cette précision serait en effet nécessaire si ce concile était doctrinal ; mais il ne l’est pas, il est pastoral.
Il est donc établi par le compte rendu des débats conciliaires que Vatican II s’est voulu un concile « pastoral », en un sens précis : pastoral explicitement contre-distingué de doctrinal (et à plus forte raison de dogmatique).
III. – Le corps du sophisme. – S’appuyant donc sur la contrevérité d’un concile qui n’aurait pas été uniquement « pastoral », le sophisme peut aussitôt embrayer :
« … Vatican II avait bien une visée dogmatique (…). Son objet était bien dogmatique : dire la foi de toujours avec les mots d’aujourd’hui. Aussi ce concile fait-il bien partie du magistère authentique et infaillible (sic !) de l’Eglise. »
Toute la tromperie du sophisme est dans l’expression : « objet dogmatique ».
Car il faut préciser : objet matériel, oui, plusieurs fois. Objet formel : non !
Autrement dit : le Concile a été « dogmatique » quand il parle de tel ou tel dogme, les cite et les rappelle à sa manière (notamment dans ses deux « constitutions dogmatiques »). Mais il n’est pas l’auteur des dogmes dont il parle : il n’ajoute ni ne retranche rien à l’autorité ni au contenu des dogmes définis par les conciles et les papes antérieurs.
De même, un prédicateur faisant un sermon, un théologien développant son argumentation, un professeur enseignant une religion, un simple laïc tenant des propos, peuvent bien en cela faire un sermon, développer une argumentation, transmettre un enseignement, tenir des propos qui sont « dogmatiques » par le sujet qu’ils traitent : ils sont plus ou moins exacts, ce n’est pas garanti, mais ils sont matériellement dogmatiques. Ils n’ont cependant pas l’autorité infaillible de définir formellement un dogme.
IV. – La conclusion acrobatique. – Selon l’officieux trio intégrophobe de La Croix, « remettre en cause l’autorité du Concile serait remettre en cause celle du Pape », Vatican II « fait partie du magistère infaillible de l’Eglise ».
Donc, pour soutenir leur position, les zélateurs du Concile imposé comme « un bloc non négociable » en sont réduits à s’enferrer dans la thèse en soi bien fragile d’une infaillibilité de Vatican II. Ainsi, fût-ce à travers les polémiques, le débat avance dans le bon sens.
Jean Madiran
Le premier des trois est Nicolas Senèze, avec sa compétence (supposée) de nouveau spécialiste de La Croix et de l‘épiscopat en matière d’anti-intégrisme systématique (cf. Présent du 16 et du 17 octobre). La seconde est Isabelle de Gaulmyn, qui apporte sa caution de correspondante romaine. Et le troisième, apparemment, n’apporte rien ; il fait nombre.
II. – Préparation du sophisme. – Je cite : « Souvent présenté comme concile “pastoral”, Vatican II… » C’est-à-dire : qu’il ait été « présenté comme pastoral » n’est qu’une opinion parmi d’autres, et c’est elle qui gêne le plus les conciliophiles et intégrophobes. En effet, si ce concile a été pastoral, ils ne peuvent plus dire qu’il a « autant d’autorité » et « plus d’importance » que le concile de Nicée. Vatican II, alors, n’est plus un dogme ; encore moins un super-dogme.
Or justement : que Vatican II ait été uniquement pastoral, ce n’est pas une opinion ; c’est un fait historique.
Le Concile lui-même l’a dit, comme d’ailleurs l’avait dit Jean XXIII. Au cours des débats, chaque fois que la majorité refusait une demande de précision doctrinale, elle justifiait son refus par l’argument :
— Cette précision serait en effet nécessaire si ce concile était doctrinal ; mais il ne l’est pas, il est pastoral.
Il est donc établi par le compte rendu des débats conciliaires que Vatican II s’est voulu un concile « pastoral », en un sens précis : pastoral explicitement contre-distingué de doctrinal (et à plus forte raison de dogmatique).
III. – Le corps du sophisme. – S’appuyant donc sur la contrevérité d’un concile qui n’aurait pas été uniquement « pastoral », le sophisme peut aussitôt embrayer :
« … Vatican II avait bien une visée dogmatique (…). Son objet était bien dogmatique : dire la foi de toujours avec les mots d’aujourd’hui. Aussi ce concile fait-il bien partie du magistère authentique et infaillible (sic !) de l’Eglise. »
Toute la tromperie du sophisme est dans l’expression : « objet dogmatique ».
Car il faut préciser : objet matériel, oui, plusieurs fois. Objet formel : non !
Autrement dit : le Concile a été « dogmatique » quand il parle de tel ou tel dogme, les cite et les rappelle à sa manière (notamment dans ses deux « constitutions dogmatiques »). Mais il n’est pas l’auteur des dogmes dont il parle : il n’ajoute ni ne retranche rien à l’autorité ni au contenu des dogmes définis par les conciles et les papes antérieurs.
De même, un prédicateur faisant un sermon, un théologien développant son argumentation, un professeur enseignant une religion, un simple laïc tenant des propos, peuvent bien en cela faire un sermon, développer une argumentation, transmettre un enseignement, tenir des propos qui sont « dogmatiques » par le sujet qu’ils traitent : ils sont plus ou moins exacts, ce n’est pas garanti, mais ils sont matériellement dogmatiques. Ils n’ont cependant pas l’autorité infaillible de définir formellement un dogme.
IV. – La conclusion acrobatique. – Selon l’officieux trio intégrophobe de La Croix, « remettre en cause l’autorité du Concile serait remettre en cause celle du Pape », Vatican II « fait partie du magistère infaillible de l’Eglise ».
Donc, pour soutenir leur position, les zélateurs du Concile imposé comme « un bloc non négociable » en sont réduits à s’enferrer dans la thèse en soi bien fragile d’une infaillibilité de Vatican II. Ainsi, fût-ce à travers les polémiques, le débat avance dans le bon sens.
Jean Madiran