(...) En avril dernier, nous avions souhaité poursuivre, lors de cette Assemblée de novembre, notre réflexion sur l’accueil des prêtres et des fidèles traditionnalistes dans l’Eglise. L’actualité de ces dernières semaines a donné à ce sujet une tout autre ampleur. Avec la création de l’Institut du Bon Pasteur, le 8 septembre dernier, puis avec l’annonce, dans les médias, d’une libéralisation possible de l’autorisation de célébrer la messe d’avant la réforme conciliaire, une émotion profonde, tant chez les prêtres que chez les laïcs, s’est exprimée dans nos diocèses.
Certains se sont demandé si cet accueil de groupes ayant toujours refusé l’enseignement du Concile Vatican II et sa réforme liturgique ne venait pas relativiser les orientations conciliaires et remettre en question tout le travail apostolique fait sur le terrain depuis une quarantaine d’années. Les évêques des provinces de Rouen et de Besançon ont senti le besoin de répondre à l’interrogation de beaucoup par une lettre ou un communiqué qu’ils ont rendus publics. Il nous faudra prendre du temps en Assemblée pour revenir et échanger sur tout cela. Il sera intéressant d’entendre sur cette question quelqu’un qui est plus à distance de la situation française, le cardinal Marc Ouellet, archevêque de Québec, que je suis heureux d’accueillir et qui vient parler à notre Assemblée du Congrès eucharistique mondial qui se tiendra au Canada en 2008.
Revenant à notre sujet, je voudrais faire trois remarques :
1. La décision de libéraliser pour les prêtres la possibilité de dire la messe selon le missel de 1962 n’a pas encore été prise. Le Motu proprio annoncé n’a pas été signé. Son projet va faire l’objet de consultations diverses. Nous pouvons faire part, dès maintenant, de nos craintes et de nos souhaits.
2. Ce projet ne s’inscrit pas dans une volonté de critiquer le missel dit de « Paul VI » ni de procéder à une réforme de la réforme liturgique. Les livres liturgiques rédigés et promulgués à la suite du Concile sont la forme ordinaire et donc habituelle du rite romain. Ce projet s’origine plutôt dans le désir de Benoît XVI de faire tout ce qui est en son pouvoir pour mettre fin au schisme lefevbriste. Il sait que plus les années passent, plus les relations se distendent et les positions se durcissent. Devant l’histoire des grands schismes, on peut toujours se demander s’il n’y a pas eu des occasions manquées de rapprochement. Le Pape souhaite faire son possible pour que la main soit tendue et qu’un accueil soit manifesté, au moins à ceux qui sont de bonne volonté et qui manifestent un profond désir de communion. C’est dans cet esprit qu’il faut comprendre ce projet de Motu proprio.
3. L’accueil de quelques-uns dans la communion ecclésiale ne saurait remettre en question le travail pastoral de l’ensemble. Non, l’Eglise ne change pas de cap. Contrairement aux intentions que certains lui prêtent, le pape Benoît XVI n’entend pas revenir sur le cap que le Concile Vatican II a donné à l’Eglise. Il s’y est engagé solennellement. Dès son élection, il affirmait : « A juste titre, le Pape Jean-Paul II a indiqué le Concile Vatican II comme une "boussole" selon laquelle nous pouvons nous orienter dans le vaste océan du troisième Millénaire (cf. Lettre apostolique Novo millennio ineunte, 57-58). Et il notait aussi dans son Testament spirituel : "Je suis convaincu que longtemps encore il sera donné aux nouvelles générations de puiser dans les richesses que ce Concile du XXe siècle nous a prodiguées" (17 mars 2000). Par conséquent, moi aussi, tandis que je me prépare à accomplir le service qui est celui du Successeur de Pierre, je veux affirmer avec force ma très ferme volonté de poursuivre la tâche de la mise en œuvre du Concile Vatican II, sur la trace de mes Prédécesseurs et dans une fidèle continuité avec la Tradition bimillénaire de l’Eglise » (Message à l’issue de la messe à la chapelle Sixtine, 20 avril 2005, DC n° 2337, p. 539).
Dans son discours à la Curie romaine où il critique un faux « esprit du Concile », le Pape déclare : « Quarante ans après le Concile, nous pouvons souligner que le positif est plus grand et plus vivant que ce qu’il paraissait dans l’agitation des années 1968. Nous voyons aujourd’hui que la bonne semence, tout en se développant lentement, grandit cependant, et ainsi grandit aussi notre profonde gratitude pour l’œuvre accomplie par le Concile » (DC n° 2350, p. 60). Ces paroles méritent d’être entendues.
Je crois qu’il ne faut pas être habité aujourd’hui par la crainte et la peur. Là aussi, vivons la confiance. Pourquoi les événements récents ne seraient-ils pas l’occasion, pour nous en France, de faire une relecture paisible de notre réception du Concile, d’en relire les grands textes fondateurs, d’en saisir à nouveaux frais les grandes intuitions et d’en repérer les points qui méritent encore d’être pris en compte ? Ce n’est pas à une lecture idéologique de Vatican II que nous sommes appelés mais bien à une relecture spirituelle, dans l’action de grâce de ce que le Seigneur nous a donné de vivre et dans une disponibilité renouvelée pour la mission.
Entrons donc maintenant dans notre travail d’Assemblée en nous laissant guider par le Seigneur. Appuyons-nous sur celui qui vient vers les siens et leur dit : « Confiance ! C’est moi, n’ayez pas peur ! » (Mt 14, 27).