Ce livre était à écrire Raconter simplement, avec le recul du journaliste, l'histoire du schisme français du XXe siècle, celui qui a vu Mgr Lefebvre et ses émules se faire excommunier par Jean-Paul II en 1988. Notre confrère Nicolas Senèze, journaliste à La Croix et président de l'Association des journalistes de l'information religieuse (Ajir) a tenu le pari. Ce n'était pas facile. Le sujet est sensible. Son livre La crise intégriste, publié vingt ans après le schisme, suit la chronologie des événements et se parcourt avec un réel plaisir de lecture. Au cœur de cet ouvrage (du moins dans sa première partie), il y a la personnalité de Mgr Lefebvre, ce Nordiste émule de l'Action française, admirateur du dictateur portugais Salazar, vicaire apostolique de Dakar avant d'être « exilé » à Tulle, puis fondateur de la communauté d'Écône en Suisse, où il consacrera des évêques sans l'autorisation de Rome, provoquant leur excommunication. Au cœur de ce divorce avec Rome le concile Vatican 2 perçu par Mgr Lefebvre comme un « complot » contre l'Église catholique. La Fraternité sacerdotale Saint Pie X naîtra de cette rupture, consacrant en quelque sorte l'existence du courant intégriste. Nicolas Senèze montre comment le cardinal Ratzinger, devenu Benoît XVI, a voulu un geste d'apaisement en direction de ce courant par la publication d'un décret (motu proprio) qui redonne droit de cité au missel dit de saint Pie V et à la liturgie préconciliaire. Certains religieux ex-intégristes y ont été sensibles, on le sait, mais un noyau dur persiste dans son opposition à Rome. « La résorption du schisme lefebvriste demandera un énorme travail de réconciliation », souligne Nicolas Senèze. Notre confrère ne manque pas aussi de souligner qu'il y « d'autres urgences » dans l'Église À commencer par l'attention « à ceux qui s'en vont sur la pointe des pieds parce qu'ils ne se retrouvent plus dans une Église qui apparait trop centrée sur elle-même et trop décalée par rapport à ce qu'ils vivent ». Une façon de bien situer où sont, aujourd'hui, les véritables enjeux.
Pierre Tanguy