La condition posée par Rome à une réintégration de la Fraternité dans l'Eglise est la reconnaissance du concile Vatican II. La Fraternité est-elle prête à franchir ce pas?
Non. Le Vatican a reconnu la nécessité d'entretiens préalables afin de traiter des questions de fond provenant justement du concile Vatican II. Faire de la reconnaissance du concile une condition préalable, c'est mettre la charrue avant les boeufs.
Vous avez déclaré vouloir, dans les entretiens avec les autorités romaines en vue d'une réintégration, parvenir à une restauration solide de l'Eglise. Votre espoir est-il donc que l'Eglise revienne sur les acquis de Vatican II?
Oui, car ces acquis sont de pures pertes: les fruits du concile ont été de vider les séminaires, les noviciats et les églises. Des milliers de prêtres ont abandonné leur sacerdoce et des millions de fidèles ont cessé de pratiquer ou se sont tournés vers les sectes. La croyance des fidèles a été dénaturée. Vraiment, ce sont de drôles d'acquis!
A ce propos, la Fraternité est-elle toujours hostile à la liberté de conscience en matière de religion, à l'oecuménisme et au dialogue interreligieux?
Il est bien évident que l'adhésion à une religion nécessite un acte
libre. Et donc bien souvent lorsque l'on dit que la fraternité est
contre la liberté de conscience en matière de religion, on prête à la
fraternité une théorie qu'elle n'a pas. La conscience est l'ultime
jugement sur la bonté de notre action. Et dans ce sens nul ne peut agir
contre sa conscience sans pécher. Reste que la conscience n'est pas un
absolu, qu'elle dépend du bien et du vrai objectifs et que tout homme a
par conséquent le devoir de former, d'éduquer droitement sa conscience.
C'est ainsi que l'Eglise se doit d'être une mère responsable qui
éclaire et guide nos intelligences bornées et souvent enténébrées.
En ce qui concerne l'oecuménisme ou le dialogue interreligieux, tout
dépend de ce que l'on met sous ces mots. Il règne une grande confusion
dans les esprits à ce sujet. Bien évidemment, comme tout être humain et
pour le bien de la société, nous souhaitons vivre en paix avec tous les
hommes, nos semblables. Sur le plan religieux, nous souhaitons répondre
ardemment au désir de Notre Seigneur: «Que tous soient un», afin qu'il
n'y ait plus «qu'un seul troupeau, un seul pasteur...» Si par
oecuménisme, on entend la poursuite de ce but très noble, nous sommes
évidemment pour. Si par contre on y voit un chemin qui ne cherche pas
cette unité fondamentale, unité qui passe forcément par un regard de
vérité – ce dont l'Eglise catholique se dit encore aujourd'hui le seul
possesseur dans son intégralité! – alors nous protestons.
En fait, on voit qu'actuellement l'oecuménisme en reste à un
niveau très superficiel d'entente et de vie en société, mais sans aller
au fond des choses.
De quel statut au sein de l'Eglise la Fraternité pourrait-elle bénéficier?
On verra cela si les discussions doctrinales débouchent sur quelque chose de positif. Ce que Dieu veuille!
Recueilli par Rachad Armanios