Depuis le décret, il y a eu ce qu’on a appelé l’affaire Mgr Williamson. Est-ce que, tout en déplorant ses propos - vous l’avez dit dans un communiqué - vous constatez un montage, ou au moins une instrumentalisation médiatique de cette affaire ?
Pour moi, elle ne fait aucun doute, quoique ce genre de choses soit pratiquement impossible à prouver. Mais une telle coïncidence, je crois que cela n’existe pas. La télévision suédoise a fait une interview de Mgr Williamson le 1er novembre. Et ce n’est que maintenant que cette interview sort. Déjà cela est un peu bizarre. Je note au passage que la télévision ou le reporter en tout cas, a fait usage de cet entretien pour le montrer, ou en tout cas pour en faire mention auprès de certains propriétaires des lieux de culte que nous avions en Suède, et que cela nous a valu la perte de ces lieux. Donc il y avait vraiment une intention mauvaise, qui n’a rien à voir avec un entretien télévisé. Tout cela nous le savions déjà. En plus il n’y a pas que la télévision suédoise, la chose a été connue du public par une grande revue allemande, le Spiegel, qui titrait ‘Le pape va avoir des problèmes’.
A quelle date ?
Juste quand je reviens de Rome, le 19 janvier, ils annoncent la diffusion de l’émission suédoise pour le mercredi suivant.
Dans cet article, le Spiegel montre que le pape a une tendance conservatrice, qu’il a déjà fait plusieurs réformes, qu’il se rapproche de la Fraternité, et c’est dans ce contexte-là qu’ils disent : ‘Il va avoir des problèmes’. Alors sont annoncées les paroles de Mgr Williamson. C’est un ensemble de circonstances qui ressemble beaucoup à un plan concerté, beaucoup plus qu’à une coïncidence. Ce qui est très intéressant c’est que hier ou avant-hier, il me semble que c’était le 3 février, un journal italien, mais aussi des personnes comme on dit ‘bien informées’ sur un blog, nous apprennent que circule dans les hautes sphères du Vatican une petite étude très détaillée, avec faits et gestes, qui démonte le montage.
En tout cas, ce qui est absolument certain aujourd’hui, on le voit bien, c’est qu’il y a une coalition de tout ce qui est progressiste ou disons de gauche, qui utilise les paroles malheureuses de Mgr Williamson, qui se sert de la Fraternité marquée maintenant d’une étiquette très infamante, pour faire pression sur le pape. Et cette pression, c’est évident, n’est pas seulement la question évoquée par les propos de Mgr Williamson. Il s’agit très clairement d’une vengeance, d’une pression, pour obliger Rome à renoncer, à revenir en arrière dans cette tentative de restauration, ou disons cette tentative amorcée, esquissée, un début de quelque chose… On voit que, tout le monde se ligue contre, c’est vraiment la personne du pape et le Vatican, ceux qui sont autour de lui, qui sont visés par cet ensemble concerté. Et, bien sûr, au passage on en profite pour déchiqueter la Fraternité en tout petits morceaux.
Donc après l’excommunication canonique, on a maintenant une excommunication cathodique ?
C’est un peu cela, oui. On passe d’une étiquette à l’autre. On a essayé de se débarrasser d’une étiquette, en se disant que peut-être si on améliorait notre image… Mais, en fait, il ne s’agit pas seulement de l’image, cela va beaucoup plus loin. Sous cette excommunication, en réalité, c’est toute l’attitude de Mgr Lefebvre qui est visée, son attitude qui a cristallisé, qui est devenue comme l’incarnation de la Tradition, - attitude catholique d’attachement ferme et solide au passé de l’Eglise pour aujourd’hui. Ce célèbre : « J’ai transmis ce que j’ai reçu ». On ne peut pas transmettre si on n’est pas attaché à ce qu’on a reçu. Eh bien ! cette attitude de tous les temps est blâmée dans l’Eglise d’aujourd’hui, parce que Mgr Lefebvre a été « excommunié ». C’est ce qu’on pourrait appeler « l’excommunication de la Tradition », et non pas seulement d’une personne. C’est de cela que nous voulions être dégagés. Ce n’est pas notre petit renom. Il ne s’agit pas de notre petite image. Cela va beaucoup plus loin. Evidemment cela enlevait en passant une arme à ceux qui nous sont opposés, et qui avaient la réponse facile à toute demande, question, exigence de notre part, il leur suffisait en effet de dire : « Vous êtes excommuniés et vous n’avez rien à faire ici ! ». (…)
Vous parliez à propos du décret d’‘annulation’, de ‘retrait’, de ‘levée’. Il est vrai que vous aviez demandé un retrait du décret de 1988 et qu’on vous a donné une levée de l’excommunication. Est-ce que vous êtes déçu ? Vous ne vous y attendiez pas ?
Déçu n’est peut-être pas le mot. Je crois que nous ne nous faisions pas d’illusions en demandant justice, c’est-à-dire que l’excommunication soit reconnue nulle dès le départ, et en ce sens-là on demandait l’annulation du premier décret, de cette sanction qui porte à faux, je l’ai déjà expliqué plusieurs fois. Et même encore récemment le cardinal Castrillón me disait : « Ecoutez, on sait bien que subjectivement vous êtes persuadés d’avoir agi justement et que donc il n’y a pas de faute, il n’y a pas non plus de sanction, il n’y a pas d’excommunication. Mais comprenez, c’est pour l’extérieur, c’est un fait objectif, il y a eu cet acte qui donnait l’apparence d’une ‘rébellion’ contre Rome, et c’est à ce titre-là qu’il y a eu une censure. Donc il faut l’enlever aussi ».
De notre côté, nous avons demandé effectivement l’annulation, ce qu’on appelle le retrait du décret. Ce qui revient à dire : on reconnaît comme nulle, dès le départ, cette excommunication. Et nous avons reçu le retrait d’une excommunication, ce qui n’est pas exactement la même chose. Disons en termes techniques une remissio, remittere, il me semble que l’on devrait traduire en français par lever, lever l’excommunication.
Je ne suis pas déçu dans le sens où je pense que de la part de Rome actuellement, vu toutes les circonstances dans lesquelles Rome elle-même se trouve, situation de crise, la puissance des progressistes est énorme, je ne sais pas si, franchement, même un pape encore mieux disposé à notre égard aurait pu faire mieux, compte tenu de tous les éléments. Dans ce sens-là je ne suis pas déçu. Mais bien sûr j’attends bien qu’un jour, Dieu sait quand, quand les choses iront mieux dans l’Eglise, il y ait une révision de toute l’affaire, et aussitôt que possible une réhabilitation de notre vénéré Mgr Lefebvre. (…)