Quelles sont les principales raisons du schisme de Mgr Lefebvre ?
Contrairement à l'idée habituellement véhiculée, le schisme ne s'est pas noué autour de la question de la messe. Certes, les intégristes souhaitaient continuer à la célébrer en latin, mais cette revendication n'était qu'un écran de fumée derrière lequel Mgr Lefebvre a caché son véritable propos, la contestation radicale du concile Vatican II Et notamment, sur trois points : la liberté religieuse (c'est-à-dire le droit de choisir sa religion), l'œcuménisme et la collégialité épiscopale (perçue comme une remise en question de l'autorité du pape).
Quelles répercussions cette fracture a-t-elle eu ?
Avant l'excommunication de Mgr Lefebvre en juin 1988, les intégristes, marginalisés dès 1969 par les déclarations de Mgr Lefebvre, fonctionnaient déjà comme une Eglise parallèle. Les sanctions de 1988 n'ont donc pas eu de retentissement particulier dans l'Eglise de France, et encore moins dans le reste du monde. En réalité, les intégristes font beaucoup de bruit mais ne pèsent pas lourd au regard du nombre de catholiques. Une proportion bien plus importante de chrétiens quitte l'Eglise sur la pointe des pieds sans que l'on semble beaucoup s'en soucier ...
Pourquoi tant de sollicitude du pape envers les intégristes ?
Pour Benoît XVI, le schisme est un traumatisme. C'est en effet lui qui, en tant que préfet de la Congrégation pour la doctrine de la foi, a essayé de négocier avec Mgr Lefebvre. Il consacre aujourd'hui toute son énergie à reconstruire l'unité de l'Eglise. En publiant le motu proprio en juillet 2007, le pape souhaitait ouvrir une porte à ceux qui avaient suivi Mgr Lefebvre et surtout, inviter les intégristes à clarifier leurs positions.
Un an après, quel bilan faites-vous du motu proprio ?
Aujourd'hui, seule une cinquantaine d'églises supplémentaires propose des messes selon l'ancien rite. Le raz-de-marée n'a pas eu lieu : pour la Fraternité Saint-Pie X, dont les demandes ont été moins nombreuses que celles des traditionalistes, la «libération de la messe» n'est pas suffisante. Au-delà de la querelle liturgique, à laquelle le motu proprio est censé mettre fin, ils attendent toujours que l'Eglise revienne sur les acquis du concile (liberté religieuse, œcuménisme, collégialité épiscopale).
Quelles issues voyez-vous au conflit ?
La résorption du schisme passera par un travail d'appropriation de Vatican Il. Car, dès la fin du Concile, deux interprétations erronées ont vu le jour: les uns se sont réjouis, quitte à se permettre des expérimentations liturgiques hasardeuses, et d'autres ont dénoncé le scandale de la réforme. Benoît XVI s'emploie à réconcilier ces deux ailes. A charge, pour l'une et l'autre de relire les textes du Concile.
Recueilli par Isabelle O'Neill