Réponse de la Congrégation pour les Évêques
(…) Cette Congrégation, saisie plusieurs fois des problèmes soulevés par les documents cités, est d’avis que feu Mgr Lefebvre est frappé d’excommunication prévue par le canon 1382 du Code de droit canonique (CIC), pour avoir ordonné des évêques sans mandat pontifical.
Les évêques ordonnés le 30 juin 1988 par Mgr Lefebvre sont validement ordonnés mais frappés de la peine d’excommunication selon le même canon 1382 pour avoir reçu l’ordination épiscopale sans mandat pontifical. Cette peine fut déjà déclarée par le décret de notre Congrégation du 1er juillet 1988 dans lequel est contenue également l’excommunication de Mgr de Castro Mayer, qui avait participé à cette cérémonie comme évêque co-consécrateur.
Quant aux prêtres ordonnés par Mgr Lefebvre lorsqu’il était seulement suspens a divinis, ils n’encourent pas la peine d’excommunication. Par contre, ils sont rattachés aux prêtres acéphales selon le canon 265, et sont interdits de tout munus vel aliud sacrum ministerium aussi longtemps qu’ils ne sont pas incardinés.
Les sacrements (baptême, Eucharistie, onction des malades) administrés par ces prêtres illicitement ordonnés sont valides, quoique illicites.
La participation à leurs célébrations est objectivement illicite parce qu’elles ne sont pas faites en communion totale avec l’Église et qu’elles sont source de grave scandale et de division de la communauté ecclésiale.
L’assistance des fidèles n’est autorisée que dans des cas de vraie nécessité.
Ceux qui y participent occasionnellement et sans l’intention d’adhérer formellement aux positions de la communauté lefebvrienne envers le Saint-Père n’encourent pas la peine d’excommunication.
Mise au point du Conseil pontifical pour l’interprétation des textes législatifs
1. Tout d’abord, il ressort clairement du Motu proprio Ecclesia Dei du 2 juillet 1988 et du décret Dominus Marcellus Lefebvre de la Congrégation pour les Évêques, du 1er juillet 1988, que le schisme de M. Lefebvre fut déclaré en relation immédiate avec les ordinations d’évêques du 30 juin 1988, données sans mandat pontifical (canon 1382) ; ensuite, il ressort également de manière claire des mêmes documents que cet acte de très grave désobéissance a constitué la consommation d’une situation de caractère schismatique progressif.
2. En effet, le numéro 4 du Motu proprio démontre la racine doctrinale de cet acte schismatique, et le numéro 5c qu’une adhésion formelle au schisme (il faut entendre ici « le mouvement de l’archevêque Lefebvre ») aurait comme conséquence l’excommunication prévue par le droit canonique (canon 1364 §1). De même, le décret de la Congrégation pour les Évêques se réfère explicitement à la nature schismatique des ordinations épiscopales et rappelle les très graves peines d’excommunication pour ceux qui adhéreraient au schisme de Mgr Lefebvre.
3. Malheureusement, l’acte schismatique qui a provoqué le Motu proprio et le décret n’a pas eu d’autre effet que de conduire jusqu’à son terme, d’une manière particulièrement visible et indiscutable – par un acte de désobéissance très grave envers le Pontife romain – un processus d’éloignement de la communion hiérarchique.
Aussi longtemps qu’il n’y aura pas eu de changements conduisant vers une restitution de cette « communion indispensable », tout le mouvement lefebvrien doit être considéré comme schismatique à la suite de la déclaration formelle de l’Autorité suprême.
4. Il est impossible d’émettre un jugement en qui ce qui concerne la “thèse Murray”, parce qu’elle n’est pas publiée, et les deux articles parus dans la presse qui y font allusion sont confus. De toute façon, on ne peut raisonnablement mettre en doute la validité de l’excommunication des évêques, déclarée par le Motu proprio et le décret. En particulier, il ne semble pas admissible de trouver des circonstances atténuantes ou dirimantes quant à l’imputabilité du délit (canons 1323-1324).
Quant à l’état de nécessité dans lequel se serait trouvé M. Lefebvre, il faut se rappeler qu’un tel état doit exister objectivement et que la nécessité d’ordonner des évêques contre la volonté du Pontife romain, Chef du Collège des évêques, ne se présente jamais. Car cela signifierait qu’il est possible de “servir” l’Église tout en portant atteinte à son unité en matière étroitement liée aux fondements mêmes de cette unité.
5. D’après le numéro 5c du Motu proprio, l’excommunication latae sententiae frappe ceux qui « adhèrent formellement » à ce mouvement schismatique. Selon ce Conseil pontifical, une telle adhésion doit impliquer deux éléments complémentaires :
- a) Le premier est de nature intérieure : il consiste à partager librement et consciemment l’essentiel du schisme, à savoir opter pour les disciples de Lefebvre de façon telle que ce choix prenne le pas sur l’obéissance au Pape (habituellement, une telle attitude s’enracine dans des prises de position contraires au Magistère de l’Église) ;
- b) La deuxième est de nature extérieure : c’est l’extériorisation de cette option. Le signe le plus évident en sera la participation exclusive aux fonctions ecclésiastiques lefebvriennes, sans prendre part aux fonctions de l’Église catholique (il s’agit de toute façon d’un signe non équivoque, puisqu’il est possible que quelque fidèle prenne part aux célébrations liturgiques des disciples de Lefebvre sans pourtant partager leur esprit schismatique).
6. Quant aux diacres et prêtres lefebvriens, il semble être indubitable que leur activité ministérielle à l’intérieur du mouvement schismatique constitue un signe plus qu’évident que les deux conditions (cf. n° 5) se réalisent et qu’il s’agit donc d’une adhésion formelle.
7. En ce qui concerne les autres fidèles, il est clair que pour pouvoir parler d’adhésion formelle au mouvement, il ne suffit pas qu’il y ait participation occasionnelle à des célébrations liturgiques ou à des activités du mouvement lefebvrien si l’on ne fait pas sienne l’attitude de désunion doctrinale et disciplinaire de ce mouvement. Dans la pratique pastorale, il ne sera pas toujours aisé de juger leur situation. Il faudra avant tout tenir compte de l’intention de la personne et de la mise en pratique de cette disposition intérieure. On jugera les différentes situations une à une par des personnes compétentes au for intérieur et extérieur.
8. De toute manière, on distinguera toujours entre la question morale de l’existence ou non d’un péché de schisme d’une part, et, d’autre part, la question juridico-pénale du délit de schisme lié à la sanction correspondante. En ce qui concerne cette dernière, seront appliquées les dispositions du Livre VI du Code de droit canonique (et les canons 1323-1324).
9. Il ne semble pas utile de formaliser davantage les conditions requises pour le délit de schisme. Un rigorisme dans les normes pénales risquerait de créer d’autres problèmes, car on n’arrivera jamais à saisir la totalité des cas, oubliant des cas de schisme substantiel ou s’occupant de comportements extérieurs qui subjectivement ne sont pas toujours schismatiques.