« Patience et fermeté »
Le récent communiqué de la salle de presse du Saint-Siège, dans sa sobre objectivité, a dit comment Mgr Marcel Lefebvre a fait parvenir au Saint-Père une récente lettre, et il a indiqué clairement, encore une fois, quelle est l'attitude du Saint-Siège devant les prétentions singulières et injustifiables du prélat.
La presse, italienne et étrangère, a, en général, compris l'esprit et les intentions de cette précision et elle leur a donné leur juste importance. Nous sommes heureux d'en prendre acte. Auparavant, le malheureux prélat, sur un ton toujours plus clairement anticatholique, et avec des insinuations pesantes et naïves contre Paul VI, avait fait à Nice une déclaration sur sa lettre du 7 juillet. Ses paroles, diffusées par une Agence de presse, n'ont eu aucun écho de la part des journalistes, ce qui indique que ce cas pénible est arrivé au point de saturation au milieu du lot de nouvelles quotidiennes bien plus intéressantes que les stériles lamentations de Mgr Lefebvre et de son entourage, qui finissent par devenir monotones.
Le communiqué de la salle de presse, effectivement, a évité à dessein la polémique, en parlant sur un ton objectif et serein de cette douloureuse affaire. On n'y trouve pas, semble-t-il, ce grain de mépris envers l'évêque français qu'un journal italien a voulu y voir. En fait, le communiqué se contentait de présenter à l'opinion publique le cheminement quelque peu compliqué que Mgr Lefebvre a voulu suivre pour faire parvenir sa lettre au Pape — auquel tout le monde, fidèles et adversaires, s'adresse directement — en faisant comprendre que si le Saint-Siège se tait, en vertu de cet esprit de prudence et de patience dont le Saint-Père a fait preuve encore une fois au dernier Consistoire, l'attitude de l'évêque n'en est pas moins grave pour autant.
Sans perdre l'ultime espérance que Mgr Lefebvre décidera de changer d'attitude, comme le Pape le lui demande avec fermeté apostolique, dans la plénitude de son droit et de son devoir, on ne peut pas ne pas exprimer toute l'amertume causée par son attitude qui désoriente gravement les âmes. Il se fait champion de la tradition, et il ne voit pas que la tradition dans l'Eglise exige précisément la fidélité au Pape, la communion avec le corps épiscopal, l'adhésion aux décisions du Concile oecuménique, sous peine de se détacher du corps social de l'Eglise. Là où est Pierre, là est l'Eglise. Telle est la tradition qui nous vient des apôtres, en vertu de laquelle l'Eglise est apostolique. Elle requiert l'unité du corps épiscopal autour de Pierre en matière de foi, de moeurs et de discipline pastorale. Or, comme chacun le sait, c'est précisément au nom de la Tradition — qui confirme l'infaillibilité du Souverain Pontife et des Conciles oecuméniques célébrés en union avec lui — que Mgr Lefebvre réfute et le Pape et le Concile, accusés de rien moins que d'être des fauteurs d'hérésie. Ses plus récentes déclarations, où reviennent des affirmations qui ne font certainement pas honneur à celui que les a prononcées, montrent malheureusement qu'il n'y a chez cet évêque aucun signe de changement et de résipiscence. C'est pourquoi, sortant de la réserve qu'il s'était imposée, le Saint-Siège a voulu mettre en garde, clairement, et avec une charité absolue, ceux qui pensent que la situation de l'évêque français est objectivement changée et que le Saint-Siège n'y voit pas de graves motifs d'inquiétude. Cette inquiétude ne pourrait être dissipée que par ce qu'on attend de lui : « Une attitude vraiment ecclésiale d'obéissance, sans réserve et sans conditions. »
Le reste ne serait que vaines paroles qui ne pourraient que prolonger l'équivoque et accroître la confusion. Mais il est aussi un autre aspect qui doit être souligné et qui ne semble pas avoir été suffisamment pris en considération, alors qu'il est la cause d'une préoccupation grave et d'une inquiétude profonde. Nous voulons parler de la situation des jeunes séminaristes qui suivent Mgr Lefebvre. Ne se rendant plus compte de la gravité objective des faits ni des sanctions qui l'ont rendu inapte à accomplir licitement des actes sacramentels, il a annoncé une autre ordination. Ce seront vingt nouveaux prêtres qui seront ordonnés par un évêque suspens a divinis, sans mission canonique, sans être guidés paternellement par leur évêque, sans espace légitime pour y accomplir des actes légitimes de la vie pastorale. Ce seront des prêtres acéphales, autonomes. Si l'on en juge d'après les affirmations de ceux déjà ordonnés — à supposer que soient vrais les comptes rendus de presse qui ont rapporté ces déclarations faites à l'occasion de premières messes ou de cérémonies liturgiques —, il semble s'agir de jeunes esprits fanatisés par une aventure qui les dépasse. Dans cette perspective, la responsabilité de l'évêque est immense: on ne peut pas tromper de la sorte des jeunes, tout naturellement portés vers les voies difficiles de la perfection, en les entraînant dans une perspective de vie si aride et désolante, sans espérance, sans avenir, dans la désobéissance érigée en système. C'est cela qui préoccupe le plus le Pape. Il connaît bien la générosité des jeunes et il aime ceux d'entre eux qui font le choix héroïque du sacerdoce. Aussi la pensée de ces jeunes ordonnés par Mgr Lefebvre, qui n'ont devant eux que des perspectives négatives de rébellion, provoque-t-elle dans son coeur une très grande peine.
Le communiqué de presse qui, dans sa sobriété calculée, demande à Mgr Lefebvre un signe certain de bonne volonté, avait aussi en vue cet objectif, dans cette si grave situation. Il ne reste qu'à souhaiter que prévale vraiment la volonté d'édifier et non de détruire, de changer de voie et non de continuer sur une mauvaise voie. Et surtout, il faut prier, parce que « ce qui est impossible aux hommes est possible à Dieu » (Lc 18, 27).