Monseigneur et Très Révérend Père,
La réunion des Supérieurs s’est achevée, comme prévu, vendredi soir. Elle s’est passée dans une ambiance très fraternelle. Je pense que c’est une expérience à reprendre au moins une fois par an.
Le compte rendu de la réunion va paraître incessamment et vous sera envoyé par les soins du père Usinier. C’est un résumé des principaux problèmes de la Province.
Certains problèmes dépassent les compétences du Provincial. J’ai dressé ci-joint une liste des principales questions que nous voulons soumettre au Conseil général, même si certaines d’entre elles peuvent être de notre ressort. Cela nous permet d’agir avec plus de sécurité.
La réputation qui est faite aux spiritains, à cause de vous, devient une cause continuelle de gêne et même de souffrance intime pour la plupart d’entre nous. Vous ne devez certainement pas vous rendre compte de la réprobation silencieuse, parce que respectueuse de l’autorité, de l’immense majorité des confrères français, à votre égard, sinon vous ne nous causeriez pas tant de peine, vu votre délicatesse, amabilité et charité. C’est là presque un mystère pour moi, qui ai pour vous une profonde estime et admiration. Et vous connaissez aussi les sentiments du père Thibault…
Sperabamus ! Nous avions espéré qu’une fois à Rome les choses se seraient tassées, et que la Province aurait pu vivre « en paix » de ce côtélà pouvant consacrer ses efforts à se réadapter à la France d’aujourd’hui et faire face en toute tranquillité de conscience aux problèmes qui lui sont propres. Mais hélas, nous sommes « classés » et « étiquetés » par l’opinion, ce qui est particulièrement insupportable pour nos jeunes, et pas seulement pour eux, car il est trop grave d’avoir honte de se dire « spiritain », alors qu’on voudrait tellement être fier de sa famille religieuse !
En tant que Provincial, je ressens douloureusement ce problème et il n’est pas de jour où je n’en souffre ! Il nous est devenu très difficile de travailler tant à l’intérieur qu’à l’extérieur de la Congrégation à cause de cette réputation qui nous est faite indûment et qui ne correspond pas à ce que nous sommes ni voulons être…
Je regrette bien de vous dire tout cela, Monseigneur, et mon coeur en saigne, mais il le fallait pour la vérité.
Je vous prie de croire à mon profond respect.