La Fraternité Saint-Pie X a été fondée par l’Eglise et dans l’Eglise, et nous affirmons qu’elle continue d’exister, malgré le fait qu’il y a une prétention à nier son existence, en disant qu’elle a été supprimée en 1976 (mais de toute évidence sans aucun respect des lois de l’Eglise). Et c’est pour cela que nous continuons. Notre vénéré fondateur a insisté à maintes reprises sur l’importance de cette existence de la Fraternité (dans l’Eglise). Aussi, alors que le temps passe, je crois que nous devons garder cela présent à l’esprit ; il est très important que nous conservions cet esprit catholique.
Nous ne sommes pas une entité indépendante. Même si nous nous battons avec Rome, nous sommes encore pour ainsi dire avec Rome. Si vous voulez, nous sommes en même temps en lutte contre Rome et avec Rome. Aussi nous proclamons et nous continuons à dire que nous sommes catholiques. Nous voulons rester catholiques. Maintes fois j’ai dit à Rome : « vous essayez de nous pousser dehors. Et nous nous rendons compte qu’il serait beaucoup plus facile pour nous d’être dehors. Nous aurions beaucoup plus d’avantages. Vous nous traiteriez beaucoup mieux ! » Regardons les protestants, comme ils ouvrent les églises pour eux ; et pour nous, ils les ferment. Mais nous disons : « ne nous soucions pas de cela ». Nous agissons sous le regard de Dieu. Nous souffrons de la part de l’Eglise, c’est entendu. Nous n’aimons pas cela, bien sûr. Mais nous devons rester là, dans la vérité. Et nous devons continuer à affirmer que nous appartenons à l’Eglise. Nous sommes catholiques. Nous voulons être et rester catholiques ; il est très important de maintenir cela.
Il est également important que nous n’imaginions pas une Eglise catholique qui ne serait que le fruit de notre imagination, qui ne serait plus l’Eglise réelle. C’est avec l’Eglise réelle que nous avons des problèmes. Voilà ce qui rend les choses encore plus difficiles : le fait que nous avons des problèmes avec elle. Cela ne nous autorise pas, pour ainsi dire, à « claquer la porte ». Au contraire, c’est notre devoir d’aller toujours à Rome, de frapper à la porte et de demander non pas d’y entrer (puisque nous sommes déjà dedans), mais de les prier de se convertir, de changer et de retourner à ce qui fait l’Eglise. C’est un grand mystère ; ce n’est pas simple. Parce que dans le même temps nous devons reconnaître cette Eglise – c’est ce que nous affirmons au Credo : « je crois en l’Eglise catholique » – et donc nous reconnaissons qu’il y a un pape, qu’il y a une hiérarchie. Nous reconnaissons tout cela.
Mais dans la pratique, à plusieurs niveaux, nous sommes obligés de dire « non ». Pas parce que cela nous déplait, à nous, mais parce que l’Eglise s’est déjà prononcé sur ces questions. Et même plusieurs d’entre elles, l’Eglise les a condamnées. C’est pourquoi, dans nos discussions doctrinales avec Rome, nous étions, pour ainsi dire, bloqués. Le problème-clé dans ces discussions avec Rome était en définitive la question du Magistère, de l’enseignement de l’Eglise. Eux nous disent : « nous sommes le pape, nous sommes le Saint-Siège », ce que nous acceptons. Alors ils poursuivent : « nous avons le pouvoir suprême », et nous l’admettons. Ils insistent : « nous sommes la dernière instance dans l’enseignement et nous sommes nécessaires » – Rome nous est nécessaire pour avoir la foi, nous sommes d’accord. Ils ordonnent : « alors, obéissez », et nous disons « non ». Ils nous reprochent d’être des protestants, parce que nous plaçons notre raison au-dessus du Magistère d’aujourd’hui. Alors nous leur répondons : « vous êtes des modernistes ; vous prétendez que l’enseignement d’aujourd’hui peut être différent de celui d’hier ». Nous disons que quand nous adhérons à ce que l’Eglise a enseigné hier, nous adhérons nécessairement à ce que l’Eglise enseigne aujourd’hui. Car la vérité n’est pas liée au temps. La vérité est au-dessus du temps. Ce qui a été proclamé une fois, oblige toujours. Voilà ce qu’est un dogme. Dieu est ainsi, au-dessus du temps. Et la foi consiste à adhérer à la vérité de Dieu. Elle est au-dessus du temps. C’est pourquoi l’Eglise d’aujourd’hui est liée à l’Eglise d’hier et doit lui être semblable, mais pas seulement semblable. Aussi, quand on entend le pape actuel dire qu’il doit y avoir continuité dans l’Eglise, nous disons : « bien sûr ! » C’est ce que nous disons depuis toujours. Quand on parle de la Tradition, c’est précisément ce que l’on veut dire. Ils affirment qu’il doit y avoir Tradition, qu’il doit y avoir continuité, et donc qu’il y a continuité. Vatican II a été fait par l’Eglise, or dans l’Eglise il doit y avoir continuité, donc Vatican II appartient aussi à la Tradition. Et nous de réagir : « pardon, que dites-vous là ? »
Mais cela va encore plus loin, bien chers fidèles. Ce que je viens de décrire se passait pendant les discussions à la fin desquelles nous recevions l’invitation de Rome. Dans cette invitation se trouvait la proposition d’une solution canonique pour régulariser notre situation. Et je peux affirmer que ce qui nous est présenté aujourd’hui – et qui est différent de ce qui nous a été présenté le 14 septembre 2011 – peut être considéré comme bon. Ils remplissent toutes nos conditions, si je puis dire, au niveau pratique. Il n’y a pas beaucoup de problèmes sur ce plan. Mais le problème demeure à un autre niveau, au niveau de la doctrine. Toutefois, même dans le domaine doctrinal, on avance très vite, mes bien chers frères. La clé du problème est un principe (celui de la cohérence avec la Tradition). Ils nous disent : « vous devez accepter que dans les cas où il y a des difficultés dans les documents du Concile – tels points ambigus qui font débat – ces points, comme l’œcuménisme, la liberté religieuse, doivent être interprétés en cohérence avec l’enseignement de toujours de l’Eglise ». Et ils ajoutent : « ainsi lorsqu’il y a une ambiguïté dans le Concile, vous devez la comprendre comme l’Eglise a enseigné depuis toujours ».
Ils vont encore plus loin et disent : « on doit rejeter tout ce qui est opposé à l’enseignement traditionnel de l’Eglise ». Bon, c’est ce que nous avons toujours dit. C’est surprenant, n’est-ce pas, que Rome nous impose ce principe ? Surprenant. Alors vous pourriez demander : « pourquoi n’acceptez-vous pas ? » Eh bien, chers fidèles, c’est qu’il y a encore un problème. Dans le texte de ce Préambule doctrinal, ils donnent deux applications du comment nous devons comprendre ces principes. Ils nous donnent les exemples de l’œcuménisme et de la liberté religieuse, tels qu’ils sont décrits dans le nouveau Catéchisme de l’Eglise catholique, qui reprend exactement les points que nous reprochons au Concile.
En d’autres termes, Rome nous dit : « nous avons toujours fait cela. Nous sommes traditionnels ; Vatican II c’est la Tradition. La liberté religieuse, l’œcuménisme c’est la Tradition. C’est en parfaite cohérence avec la Tradition. » Vous vous demandez : « où cela nous conduit-il ? » Quels mots trouverons-nous pour dire que nous sommes d’accord ou que nous ne le sommes pas ? Même s’ils acceptent les principes que nous avons toujours soutenus, c’est parce que, pour eux, ces principes signifient ce qu’ils pensent, mais qui est en exacte contradiction avec ce que nous affirmons.
Je crois qu’on ne peut pas aller plus loin dans la confusion. En d’autres termes, cela signifie qu’ils donnent une autre signification au mot « Tradition », et peut-être au mot « cohérence ». Voilà pourquoi nous avons été obligés de dire « non ». Nous n’allons pas signer cela. Nous sommes d’accord dans le principe, mais nous nous rendons compte que la conclusion est contraire. Grand mystère ! Alors, que va-t-il se passer maintenant ? Nous avons envoyé notre réponse à Rome. Ils continuent à dire qu’ils y réfléchissent, et cela veut dire que probablement ils sont embarrassés. En même temps je crois que nous pouvons voir maintenant ce qu’ils veulent vraiment. Nous veulent-ils vraiment dans l’Eglise ou non ? Nous leur avons parlé très clairement : « si vous nous acceptez c’est sans changement. Sans obligation d’accepter ces choses ; alors nous sommes prêts. Mais si vous voulez nous les faire accepter, alors c’est non. » Et nous n’avons fait que citer Mgr Lefebvre, qui avait déjà dit cela en 1987 – plusieurs fois auparavant, mais la dernière fois qu’il l’a dit c’était en 1987.
En d’autres termes, bien chers frères, humainement parlant il est difficile de dire ce que nous réserve l’avenir, mais nous savons que quand nous traitons avec l’Eglise, nous avons affaire avec Dieu, avec la divine Providence, et nous savons que cette Eglise est Son Eglise. Les hommes peuvent perturber, détruire. Ils peuvent mettre de l’agitation, mais Dieu est au-dessus de cela, et Dieu sait comment diriger son Eglise sur des lignes droites, malgré tous ces incidents humains, toutes ces lignes courbes.
Cette épreuve finira, je ne sais pas quand. Parfois cette fin semble s’approcher, parfois elle semble s’éloigner. Dieu connaît les temps, mais humainement parlant, il faudra attendre un bon moment avant de commencer à voir les choses s’améliorer – cinq, dix ans. Je suis persuadé que dans dix ans les choses seront différentes parce que la génération issue du Concile aura disparu et la génération qui suit n’entretient pas un tel lien avec le Concile. Et déjà maintenant, bien chers frères, nous entendons plusieurs évêques nous dire : « vous donnez trop de poids à ce Concile ; laissez-le de côté. Ce serait une bonne manière pour l’Eglise d’aller de l’avant. Laissez-le de côté, oubliez-le. Retournons à la réalité, à la Tradition. »
N’est-ce pas intéressant d’entendre des évêques dire cela ? C’est un langage nouveau ! Cela signifie qu’il y a une nouvelle génération qui sait que, dans l’Eglise, il y a des choses plus sérieuses que Vatican II, et que nous devons retourner à ce qu’il y a de plus sérieux, si vous me permettez de parler ainsi. Vatican II c’est sérieux, à cause des dégâts qu’il a produits, c’est vraiment sérieux. Mais en tant que concile, il a voulu être pastoral, et il est déjà démodé. Nous savons que quelqu’un qui travaille au Vatican a rédigé une thèse universitaire sur le magistère de Vatican II. Il nous l’a dit lui-même, personne dans les universités romaines ne voulait accepter ce travail. Finalement un professeur l’a fait, or la thèse est la suivante : l’autorité du magistère de Vatican II est celle d’une homélie des années 1960. Et ce candidat a été reçu !
On verra, mes bien chers frères. Pour nous, c’est très clair. Nous devons toujours soutenir la vérité, professer la foi. Nous n’allons pas faire marche arrière, quoi qu’il arrive. Il y a quelques menaces de la part de Rome maintenant, bien sûr. On verra. Nous laissons tout cela entre les mains du Bon Dieu et de la Très Sainte Vierge. Oh ! Oui, nous devons continuer notre croisade de rosaires. Nous comptons sur elle, nous comptons sur Dieu. Et ce qui doit arriver, arrivera. Je ne peux pas vous promettre un joli printemps. Je ne sais pas ce qui se passera au printemps. Je sais seulement que le combat de la foi continuera, quoi qu’il arrive. Soit que nous soyons reconnus, soit que nous ne le soyons pas. Vous pouvez être sûrs que les progressistes ne seront pas contents. Ils continueront, et nous continuerons à les combattre.