Déçus du FN ou ultras du catholicisme, ils se retrouvent au sein de cette galaxie politico-religieuse. Dans leur ligne de mire : le théâtre « blasphématoire »
Ils sont là, agenouillés, chapelet à la main, éclairés par des cierges, pour une « veillée de prière en réparation », à cent mètres du théâtre « blasphématoire » de Villeneuve-d'Ascq, la Rose des Vents, où se joue la pièce de Romeo Castellucci, dans laquelle un Christ en croix est souillé. Sous le drapeau tricolore marqué du Sacré-Coeur, emblème d'une France fille aînée de l'Eglise, ils ont répondu à l'appel de Civitas, un « mouvement politique » de catholiques intégristes venus dénoncer cette pièce « christianophobe ». La police encadre leurs prières de rue.
Communication agressive
Grâce à une communication agressive, son association brasse dans ses cortèges une galaxie politico-religieuse qui va des déçus du FN aux groupuscules nationalistes radicaux tels que le Renouveau français ou le Bloc identitaire. Les musulmans antisionistes du Centre Zahra se disent, eux aussi, solidaires. De même que les sunnites de Forzane Alizza. « Ces petites formations catholiques se veulent les héritières des droites radicales du XIXe siècle, explique l'historien Emmanuel Kreis, spécialiste de ce radicalisme chrétien. Dans un climat de questionnement sur la laïcité, l'identité nationale, ils instrumentalisent le désarroi des catholiques, mais restent minoritaires.» Ce mouvement se targue de rallier, au-delà de son auditoire naturel, certains évêques, des catholiques lambda et même une poignée de députés UMP
« Ces catholiques intégristes ont perdu de l'influence au sein du Front national depuis que Marine Le Pen en est la présidente », souligne Nicolas Senèze, journaliste à La Croix et auteur de La Crise intégriste. Pour Louis Aliot, vice-président du FN, « ils se sont écartés d'eux-mêmes par leur intransigeance ». Certains se sentent proches des idées de Bruno Gollnisch, membre du bureau politique du FN. Ce dernier reconnaît les avoir rencontrés et s'insurge contre l'interpellation, le 29 octobre à Paris, de jeunes « traités comme des malfaiteurs ». Dans la critique de cet « art dévoyé et subventionné », Civitas trouve aussi écho dans certaines émissions de Radio Courtoisie.
De nombreux jeunes
À Villeneuve-d'Ascq, une extrême ferveur soude ces catholiques outragés. Marie, 22 ans, étudiante en droit, membre de Civitas jeunes et du très nationaliste Bloc identitaire, veut « promouvoir la culture flamande ». Un jeune « pratiquant intégral », pin's du Sacré-Coeur sur la poitrine, s'est déplacé pour « défendre le Christ-Roi » posté à côté d'un couple de Lillois d'une soixantaine d'années, « obsédés par cette escalade de christianophobie ».
Les jeunes ont trusté le mouvement. « Il est plus naturel pour eux d'aller là qu'à l'Agrif [Alliance générale contre le Racisme et pour le Respect de l'Identité française et chrétienne] où la personnalité de l'ex-frontiste Bernard Antony est plus écrasante. Mais les vis et les boulons sont les mêmes », explique Fiammetta Venner, coauteure du livre Tirs croisés. Sur le terrain, ils seraient un millier de petits soldats à s'occuper du tractage, de l'affichage, des réseaux sociaux et de la diffusion d'une lettre d'information à 40 000 élus. Un mailing a été envoyé à 100 000 personnes en vue du prochain coup d'éclat. Ce week-end, deux jeunes de la mouvance traditionaliste ont été interpellés dans les sous-sols du Théâtre du Rond-Point, où se joue une pièce de l'Argentin Rodrigo Garcia, Gólgota Picnic, montrant le Christ en démagogue vendu à la société de consommation, alors qu'ils tentaient de saboter les systèmes d'alarme. L'archevêque de Paris, André Vingt-Trois, a appelé les fidèles, le soir de la première, à une « veillée de prière » pour protester contre une pièce qui « insulte la personne du Christ en croix ». Civitas prévoit, pour sa part, une démonstration de force les 8 et 11 décembre. Son chef, Alain Escada, promet « une belle surprise ».
Céline Cabourg