Le calme est revenu au Vatican après la tempête des douze derniers jours. La balle est dans le camp des intégristes.
Finalement, c'est grâce à Angela Merkel qui avait demandé une « clarification », que Benoît XVI est allé au-delà de ses déclarations de principe précédentes dans la crise soulevée à la fois par le Vatican avec la levée de l'excommunication de quatre évêques intégristes, et les propos négationnistes de l'un d'entre eux. Le bilan de ces douze jours s'avère désastreux pour le Vatican.
Le pape ignorait-il que Mgr Williams on était négationniste ? L'évêque lefebvriste avait déjà nié l'existence des chambres à gaz voici une vingtaine d'années au Canada. Il avait aussi assuré qu'« aucun avion n'a détruit les tours du World trade center » le 11 septembre 2001. Si Josef Ratzinger ne connaissait pas ces affirmations du plus intransigeant des évêques intégristes, c'est que ses services ne fonctionnent pas correctement. Mais en reconnaissant qu'il ne savait rien, il admet implicitement que dans le cas contraire, il n'aurait pris la même décision.
Les autres évêques intégristes ont commis aussi quelques dérapages. Ainsi, Mgr Fellay, qui a négocié la levée de l'excommunication et a succédé à Mgr Lefebvre à la tête de la Fraternité saint Pie X, a comparé le concile Vatican II à « un corps étranger qui propage autre chose que la foi catholique dans l'Eglise » ; il a aussi déclaré qu'il ne pouvait faire « l'impasse » sur le fait que « les juifs n'ont pas reconnu Notre Seigneur comme fils de Dieu ». Pour Mgr de Galaretta, les droits de l'Homme relèvent d'un discours « franc-maçon ». Enfin, Mgr Tissier de Mallerais pense qu'« un jour l'Eglise devra effacer le concile Vatican II ».
Le fonctionnement du Vatican : apparemment, seuls le pape et le cardinal chargé des relations avec les intégristes étaient au courant de la levée de l'excommunication. Ni les autres cardinaux de la Curie, le gouvernement de Benoît XVI, notamment Mgr Kasper, en charge du dialogue avec le judaïsme, qui a évoqué des « erreurs de management », ni les épiscopats des pays les plus concernés (France, Allemagne, Suisse) n'avaient été informés. Mardi, le n°2 du Vatican, Mgr Bertone, soutenait que pour lui « l'affaire était close ». Le lendemain, le pape intervenait avec force. Quelque chose ne tourne donc pas rond.
Qu'est-il désormais demandé aux quatre évêques ? A Mgr Williamson « de prendre sans équivoque et publiquement ses distances » avec ses déclarations sur la Shoah. Pour l'instant, il n'a toujours pa renié ses propos. Le pape pose aussi comme condition au retour de la fraternité saint-Pie X, « la pleine reconnaissance du concile Vatican II et des papes » qui ont suivi ce concile. Ce que les lefebvristes refusent.
Les intégristes combien de divisions ? Outre les évêques, environ 500 prêtres et 150.000 fidèles de par le monde. A mettre en regard du milliard de catholiques. Dont beaucoup ont été blessés par le tapis rouge qui leur a été déroulé.
Un complot contre Benoît XVI ? La théorie circule dans les milieux intégristes et au Vatican. L'interview de Mgr Williamson a été diffusé le jour de la levée de l'excommunication. Un coup monté pour la faire échouer jugent certains. L'accusation ne tient pas. Si l'interview a été réalisée en novembre, la date de diffusion de l'émission de la télé suédoise, genre « Complément d'enquête » était fixée de longue date. Evidemment, ses auteurs ne savaient pas que le pape allait prendre cette décision.
Au final, les dégâts sont considérables. Le pape sort affaibli par cette polémique, qui n'est pas la première. Benoît XVI n'a aucun sens politique contrairement à son prédécesseur et comme l'écrit Nicolas Senèze dans La crise intégriste (Bayard) : « Il est naturel que Rome se préoccupe de ceux qui ont quitté l'Eglise avec fracas. Mais elle ne doit pas pour autant oublier ceux qui s'en vont sur la pointe des pieds parce qu'ils ne se retrouvent plus dans une Eglise qui apparaît trop centrée sur elle-même et trop décalée par rapport à ce qu'ils vivent ». Ceux-là, ont signé par milliers les pétitions de La Vie et de Golias. Le pape ne fait rien pour les ramener au bercail.
Patrick Perotto