Source : La Croix
Le décret levant
l’excommunication des évêques intégristes a provoqué une grande
émotion. Qu’est-ce qui vous a manqué pour mieux l’expliquer ? Le problème de ce décret,
c’est qu’il a été négocié jusqu’au dernier moment et que certains
points restaient confus. Il ne marquait pas l’aboutissement d’un
processus, mais une étape, donc sans donner un résultat clair.
Cependant, le communiqué l’accompagnant laissait trop d’aspects dans le
doute, donnant lieu à diverses interprétations. De plus, comme il
s’agit d’une négociation avec une autre partie, le document se trouvait
déjà sur certains sites et journaux. Nous n’avions pas en main la
maîtrise de cette communication.
N’y a-t-il pas eu insuffisance de communication ?
Pour l’Église, le problème de la communication n’est pas simple. Faut-il dire tout et tout de suite ? Parfois, il vaut mieux ne pas parler. Une communication très ouverte, surtout concernant un processus de négociation aussi complexe, peut parfois le bloquer, ou le discréditer. Mais dans ce cas précis, ce qui a été le plus dommageable, c’est la concomitance entre la question de l’excommunication et la diffusion des positions négationnistes – et injustifiables – de Mgr Williamson.
Aurait-on pu l’éviter ?
Honnêtement, le point délicat est de savoir qui connaissait les opinions de cet homme. Lorsqu’on propose au pape de lever l’excommunication de quatre évêques, il ne s’agit pas d’un nombre important, comme s’ils étaient 150. On les connaît, ces quatre évêques. Sans doute les personnes qui ont géré cette affaire n’avaient-elles pas conscience de la gravité des propos de Mgr Williamson. Il est vrai que les négociations ont été menées avec Mgr Fellay. Mais les positions des autres évêques n’ont pas été suffisamment prises en compte. Ce qui est sûr, c’est que le pape l’ignorait. S’il y en a un qui devait le savoir, c’est le cardinal Castrillon Hoyos.
Voyez-vous une évolution des médias, plus hostiles envers l’Église ?
Les médias ne sont pas plus ou moins mauvais qu’autrefois. Ils reflètent notre monde. Soyons lucides : il existe des courants opposés à l’Église, qui la considèrent comme liberticide, etc. Le message de l’Église est aujourd’hui souvent à contre-courant de la pensée majoritaire, dont les médias sont naturellement les porte-parole. Mais les réactions peuvent aussi être positives. On l’a bien vu lors de la mort de Jean-Paul II. Et il faut se souvenir que les voyages de Benoît XVI aux États-Unis, en Australie et en France, où pourtant, au départ, l’opinion publique était loin d’être acquise, ont montré que son message pouvait aussi être bien retransmis par les médias.
Les catholiques eux-mêmes ont du mal à comprendre les décisions du Vatican. Pourquoi ?
Certains documents sont destinés aux spécialistes du droit canonique, d’autres aux théologiens, d’autres à l’ensemble des catholiques et d’autres à tous les hommes. Mais aujourd’hui, quelle que soit la nature du document, il se retrouve directement sur la place publique. Cela devient difficile à gérer.
Dans cette crise, votre communication ne s’est-elle pas faite en lien avec les épiscopats locaux ?
Lorsque l’on est prévenu à temps, on essaie de prendre des contacts. Parfois, le document est déjà entre les mains des évêques locaux, avant même que nous l’ayons. Je crois qu’une culture de la communication reste encore à créer au sein de la Curie, où chaque dicastère communique de manière autonome, ne pense pas forcément à passer par la Salle de presse, ni, lorsque l’information est complexe, à rédiger une note explicative.
Quelles leçons tirer de cette crise ?
Si les explications de la note de la Secrétairerie d’État du 4 février avaient été données dès la publication du décret, nous nous serions épargné plusieurs journées de passion. Surtout lorsqu’il s’agit de sujets « brûlants », il est préférable de bien préparer ses explications. Mais il est impossible d’éviter toute difficulté. Nous devons aussi être prêts à courir des risques. Et on ne peut certainement pas penser progresser dans une voie de réconciliation sans lever les ambiguïtés.
Recueilli à Rome par Isabelle de Gaulmyn