Huit mois après votre retour à la pleine communion avec Rome, quel bilan dressez-vous de votre démarche ?
Il est difficile de se prononcer après si peu de temps ! Mais nous sommes aujourd’hui entièrement satisfaits de ce retour. Il nous fallait sortir de la situation irrégulière dans laquelle nous étions, cela ne pouvait pas durer. Or, pour y parvenir, nous avons dû trouver une “bonne situation” ecclésiale, ce que Jean-Paul II nous a offert il y a un peu plus d’un an.
Cette annonce a-t-elle été bien acceptée par vos fidèles et par le diocèse de Campos ?
Au niveau du diocèse, nous n’avons eu aucune difficulté : nous continuons à vivre exactement comme avant. Il y a, bien sûr, quelques prêtres qui restent parfois réticents, mais ils devront bien finir par nous accepter. L’important, c’est que nos rapports soient bons avec l’ordinaire du lieu, ce qui est le cas. Le jour de mon ordination épiscopale, en août dernier, l’évêque de Campos avait voulu se faire représenter, ne pouvant pas s’y rendre personnellement. C’est lui, également, qui m’a officiellement annoncé ma nomination comme évêque coadjuteur de l’administration apostolique.
Quant aux membres de l’Union sacerdotale, presque tout le monde a accepté la décision, excepté quelques-uns qui ont douté au début mais qui se rendent compte aujourd’hui que finalement, rien n’a concrètement changé. Nous continuons notre activité pastorale, en étant responsables de 30 000 âmes, de 12 écoles, de 2 orphelinats, de 2 maisons de personnes âgées, d’un séminaire, d’une cinquantaine de paroisses. Parfois, malheureusement, on constate la présence de personnes extérieures à l’administration apostolique, qui cherchent à semer la suspicion parmi nos fidèles. Beaucoup d’entre eux viennent de la Fraternité Saint-Pie-X.
Ils n’ont pas accepté votre retour dans le giron romain ?
D’une part ils ne l’ont pas accepté, mais en plus ils nous attaquent, nous accusant de nous être « ralliés » à Rome. De notre côté, nous continuons à leur montrer notre sympathie. J’ai par exemple invité Mgr Bernard Fellay, le supérieur général de la Fraternité Saint-Pie-X, qui réside en Suisse, à venir à mon ordination épiscopale, mais il a refusé. En revanche, certains prêtres qui ont suivi Mgr Lefebvre y sont venus et nous ont même fait part de leur soutien.
Vous restez pessimiste quant à une éventuelle solution au schisme de 1988, malgré ce qui s’est passé pour vous ?
Au contraire, je continue à espérer sincèrement qu’une solution sera trouvée ! Il y a des prêtres de la Fraternité qui aimeraient que le dialogue avec le Pape aille dans ce sens, et je pense qu’ils finiront par y arriver. Seulement, il faudra du temps. Leur problème, c’est qu’ils se concentrent sur l’aspect tactique et non pas sur l’aspect théologique.
Il
suffit de constater, par exemple, que nous avons à présent notre rite
propre, celui de Saint Pie V, sans avoir dû faire aucune concession
dans ce domaine avec Rome, comme les fidèles de Mgr Lefebvre le
craignaient. Je voudrais toutefois ajouter que notre situation était
quand même différente, comme l’avait reconnu Mgr Lefebvre lui-même, et
c’est pourquoi il faut faire attention à ne pas comparer les deux cas.
Quelle a été la principale raison qui vous a poussés à vous tourner vers Rome ?
C’est l’impression d’être en situation irrégulière. Nous avons subi une pression de la conscience et de la théologie catholique ! Saint Thomas d’Aquin dit que si on se trouve dans une situation de nécessité, on peut voler pour manger. Mais si le patron du supermarché propose au voleur de la nourriture pour qu’il ne vole plus et que le voleur n’accepte pas parce qu’il préfère voler, alors, ça devient un péché. À partir de là, est-ce que nous pouvions rester seuls avec notre évêque, alors que le Pape nous a offert, il y a un an, la possibilité de retourner à la pleine communion ? Nous nous sommes sentis obligés d’accepter. C’est un problème doctrinal, bien plus qu’un problème pratique.
Cela veut-il dire que vous reniez certaines idées “intégristes”, comme par exemple, le fait que le Concile Vatican II ait marqué « une rupture avec l’enseignement de l’Église », ainsi que l’avait souligné en son temps Mgr Lefebvre ?
Pas du tout ! Même si notre tactique a changé, le principe reste toujours le même. En nous tournant vers Rome, nous avons dit que nous acceptons le Concile Vatican II, à condition qu’il soit interprété selon la Tradition. Ce qui ne nous empêche pas d’en refuser toute interprétation moderniste. En clair, nous soutenons que le Concile Vatican II ne peut pas être en contradiction avec la Tradition, comme Jean XXIII l’a lui-même souligné dans son discours d’ouverture.
Comment voyez-vous l’avenir de l’administration apostolique ?
Nous allons continuer comme avant ! Nous allons tout faire pour renforcer notre structure, en particulier à travers notre séminaire. Maintenant que nous avons gagné la première bataille, il nous faut en engager une autre, qui consiste à nous faire accepter. Et je pense qu’à ce niveau là, il faudra du temps avant que nous trouvions nos marques.
Recueilli par Antoine Soubrier