I - Votre Eminence a décidé d’intervenir en raison de la crise interne à notre société et pour éviter une explosion de celle-ci. Nous sommes touchés de ce souci. Or, il nous semble que cette crise ne pourra être résolue que par le retour à l’observance fidèle du « domaine spécifique » de notre société, celui pour lequel elle a été fondée. Comme Votre Eminence le relève justement, la contribution caractéristique de notre société est la célébration de la vénérable forme ancienne de la liturgie romaine. Celle-ci doit donc être favorisée par son observation conséquente et efficace (sans opposition vis-à-vis de ceux qui célèbrent autrement). La Commission Ecclesia Dei n’avait-elle pas reçu dans son rescrit ex audientia Qui peculiare, du 18 octobre 1988, au n° 3, la faculté d’ériger notre société selon les notes particulières du MP Ecclesia Dei n. 6a et non pas seulement comme au n° 1, de concéder à des prêtres l’usage du Missel romain de 1962 ?
Les dissensions au sein de la société sont venues non de querelles de personnes mais de la différence d’option au sujet de cette caractéristique propre. C’est pour résoudre ces dissensions que l’accord de Rocca di Papa a été proposé et a recueilli l’adhésion de la très grande majorité des membres de la société ? cet accord ne se comprend que si l’on rappelle que tous les membres sont entrés librement dans une société fondée en raison et pour le rite ancien (cf décret du 18 octobre), et qu’ils ont ainsi accepté, au moins implicitement, de limiter l’usage de leur droit à célébrer selon le missel d’usage commun dans l’Eglise latine. La société n’a pas, en effet, reçu un indult après sa création, elle a été constituée en raison même de cet indult et pour le réaliser communautairement. C’est pourquoi le Cardinal A Mayer, alors président de la Commission, écrivait dans une lettre publiée dans UVK 21, n° 3 en 1990, que la célébration de nos prêtres dans la forme ancienne pouvait causer des difficultés mais pas plus grandes que celles rencontrées par les dominicains « die ja bis vor 20 Jahren ibren eigenen Titus hatten und nur dieten feiern dorften ». L’unité de l’Eglise, ajoutait-il, est celle de la foi et de la soumission hiérarchique, non celle des rites Mais puisque l’usage exclusif du rite antique entraînait une suspicion envers nos membres au sujet de la communion ecclésiale et de leur acceptation de la légitimité des livres réformés, il a été décidé par l’usage libre de ce signe de communion à la messe chrismale, de prouver ainsi comment ces soupçons étaient injustifiés.
La paix recherchée pour notre société serait intervenue par l’application de l’accord de Rocca di Papa que le Cardinal Ratzinger estimait, par lettre à notre ancien supérieur, être une bonne solution. Il a réunit une très grande majorité (80%) de la société. Les membres désireux de plus de diversité auraient trouvé sans difficulté leur place adéquate dans d’autres instituts. En revanche, introduire sur un point si essentiel à notre spiritualité commune, une telle diversité entre les membres, entraînera fatalement l’explosion redoutée, quelque soit le supérieur choisi. Nous supplions Son Eminence de nous laisser réaliser cette unité par la fidélité à la spécificité de notre société vécue ainsi depuis douze ans.
Au sujet de la première décision : nos constitutions ne laissent pas la question du nombre de mandats ouverte : le n° 19 prévoit, au contraire, que le nombre des mandats n’est pas limité et cela a été rédigé ainsi volontairement par les fondateurs, en août 1988, et accepté par la Commission, en octobre 1988. Un changement demandé sur ce point sera accepté avec respect par les capitulants mais ne peut pas être rétroactif.
II - Pour le point 2 : la décision du Cardinal Innocenti (lettre du 5 septembre 1991) de nommer un supérieur avait été prise avant le chapitre et ne retirait pas le droit de vote au chapitre. En effet, selon une lecture stricte des constitutions, personne ne remplissait les conditions pour être élu (5 ans dans la FSSP). Le vote qui eut lieu alors ne fut que d’ordre consultatif (un sondage) ! En retirant le droit de vote au Chapitre, d’un Supérieur général, on lui retire l’une de ses attributions principales et cela jette un blâme public sur le chapitre alors que l’élection des capitulants et le Chapitre avaient été reconnus légitimes. En outre, le secrétaire de la Commission avait assuré publiquement que le vote aurait lieu normalement et cela fut certifié par communiqué de presse. Nous supplions Votre Eminence de bien vouloir revenir sur sa décision et de nous laisser choisir notre supérieur selon le droit commun.
III - Le choix de notre confrère, M. l’Abbé Devillers, quoiqu’il en soit des qualités administratives et personnelles de notre confrère et de son bon vouloir de conciliation, il semble au Chapitre que celui-ci ne pourra rendre une paix durable à la société : les conditions extraordinaires d’une telle nomination vont causer des plaies longues à cicatriser, surtout dans le contexte très délicat des catholiques de sensibilité traditionnelle. Le motif de sa nomination directe est d’éviter le danger de divisions plus grandes ; or celles-ci se réalisent déjà par le fait même que notre confrère est perçu par beaucoup comme n’étant pas en dehors des dissensions ; il ne pourra réaliser, dans de telles conditions, l’unité qu’il désire certainement.
En outre, il nous semble respectueusement que dans son gouvernement du district américain, notre confrère a trop dispersé les prêtres au détriment de la vie commune, en contradiction avec les constitutions, ce qui n’est pas fortifier l’esprit de famille.
Nous supplions Votre Eminence de reconsidérer, pour le bien de la société, cette nomination.
IV - Séminaires : Les difficultés rencontrées au séminaire de Wigratzbad viennent surtout du contexte d’incertitude et de déceptions rencontrées par les séminaristes vis-à-vis de certaines pratiques de prêtres dans le ministère. D’où les réactions parfois raides de jeunes gens qui sont bien de leur siècle. Mais on ne peut mettre en cause le sérieux et le dévouement du Corps professoral, souligné dans le rapport de la visite canonique de Wigratzbad. Un professeur trop polémique a été écarté ; pour un autre, une enquête diligente a conclu au mal fondé des critiques portées. Parmi les 35 professeurs de Wigratzbad, un grand nombre enseignent dans des facultés ecclésiastiques ou civiles. Il n’y a pas eu d’enquête au séminaire américain. Dès lors, demander, à priori, le changement des deux recteurs est injuste et en contribuera pas au retour de la paix, y compris entre séminaristes. C’est au supérieur, après l’analyse des situations, que devrait revenir le choix des supérieurs des maisons de formation. Nous supplions Votre Eminence de reconsidérer cette décision.
V - Au sujet de notre spécificité, enfin, il nous est demandé de ne pas parler du rite de Paul VI comme « étant de moindre valeur ». S’il faut entendre par « valeur » selon l’exégèse donnée par Mgr C. Perl, la validité ou la légitimité des nouveaux livres liturgiques, il est évident que nous y adhérons pleinement. Mais le mot en langue française est employé pour exprimer les qualités d’une chose. En estimant que l’ancienne liturgie a une plus grande valeur, dans un tel sens, on ne fait qu’utiliser le droit reconnu à tout fidèle par le can. 212.§3 et qu’utilisent de nombreux auteurs qui traitent de la question, y compris des cardinaux (comme le cardinal J. Ratzinger - cf L’Esprit de la liturgie ou le Cardinal A.M. Stickler : le missel de 1969 ne correspondrait pas selon lui, à ce que le Concile Vatican II prévoyait ou différents auteurs : voir les actes du Colloque du CIEL de 1998, préfacés par Votre Eminence). Le tout est de ne pas polémiquer, ni troubler les fidèles, ce que nous essayerons encore de mieux faire. Nous supplions Votre Eminence, compte-tenu que la teneur de cette lettre risque de donner lieu à des difficultés, de permettre à la Commission de préciser le sens voulu de cette expression.
Nous adressons ce recours hiérarchique à Votre Paternité, lui demandant de bien vouloir considérer quelles conséquences extrêmement douloureuses les décisions prises auront dans un tel contexte de tensions. De telles mesures visent plus un conflit de personne, alors que ce dernier concerne la vocation même de la société. Une mesure qui pourrait apparaître à première vue comme un échec mais qui nous semble devoir apporter plus sûrement la paix et plus tard, une collaboration fructueuse entre prêtres, serait de permettre dès à présent, une séparation de la société en deux instituts, proches dans leur mission mais avec chacun sa caractéristique propre comme cela s’est réalisé bien des fois dans l’histoire des instituts de vie consacrée. Ainsi, en cette année sainte, l’œuvre nécessaire de réconciliation des catholiques autour du successeur de Pierre pourra continuer à se réaliser auprès des catholiques traditionnels, éloignés de la hiérarchie de l’Eglise.