Monsieur le Supérieur général,
Par cette lettre, les 71 prêtres signataires désirent vous faire part de leur surprise attristée à la lecture des graves accusations contenues dans la lettre envoyée le 13 juillet par la Commission Ecclesia Dei à vous, notre Supérieur général et dont vous nous avez donné connaissance, avec l’accord de Mgr Perl.
Son Eminence le Cardinal Felici pense que « la cause profonde des difficultés actuelles semble être un manque de confiance vis-à-vis de la hiérarchie de l'Église à tous les niveaux, tant le Saint-Siège que les évêques ». Monsieur l'abbé une telle à affirmation nous blesse tous profondément dans la fidélité que nous avons toujours vécu vis-à-vis de l'Église et de sa hiérarchie. Depuis 1988, date où les sacres conférés par Mgr Lefebvre ont obligé nos membres fondateurs à rompre avec la Fraternité Saint-Pie X, nous n'avons eu de cesse que de construire notre Fraternité dans cette fidélité, heureux que le Saint-Père nous ait confié cette mission spécifique de l'usage des livres liturgiques de 1962.
Il nous semble, Monsieur l'abbé, que cette réaction de la Commission Ecclesia Dei, suite à la démarche de quelques confrères français au début du mois de juillet, ne reflète pas l'état d'esprit exact de la plus grande partie des membres de la Fraternité. En effet, les quelques confrères qui se sont arrogés le devoir de porter ces dures critiques, quand elles ne sont pas mensongères, n'ont pas respecté, quant à eux, ce qu'exige la règle canonique comme ce que suggère la délicatesse fraternelle.
D'une part, ils vous ont mis devant le fait accompli, sans vous avoir jamais présenté d'abord leurs revendications précises. D'autre part, certains d'entre-eux n'ont pas hésité à poser des actes répétés de désobéissance. Il nous est dès lors difficile d'accepter avec sérénité des reproches visant à faîte croire que nous refusions systématiquement toute obéissance à l'Église et à sa hiérarchie.
Ces quelques prêtres, presque uniquement fiançais, ne représentent par ailleurs qu'une petite partie de la Fraternité Saint-Pierre (16 prêtres sur 100), De plus, aucun d'entre eux ne fait partie des prêtres fondateurs de la Fraternité. C'est pourquoi nous agissons à notre tour auprès de vous, notre Supérieur général, car nous ne pouvons accepter la suspicion jetée ainsi sur vous-mêmes et sur l'autorité interne de la Fraternité.
Par ailleurs, il est de notre devoir de soulever le problème extrêmement grave qui ne manquera pas de se poser si la Fraternité Saint-Pierre devait demeurer dans la situation actuelle.
Le texte signé en juillet 1988 par les fondateurs de la Fraternité Saint-Pierre a eu pour base le Protocole d'accord du 5 mai que Mgr Lefebvre a par la suite remis en cause. Dans son esprit cet accord prévoit bien pour la Fraternité Saint-Pierre le droit exclusif de célébrer et conférer les sacrements dans le rit de 1962. C'est la raison pour laquelle la concélébration pose plus de problèmes qu'elle n'en peut résoudre ; certes, nous reconnaissons absolument la légitimité du nouvel Ordo. Mais cette reconnaissance ne nous ôte pas le droit reconnu en 1988, de faire part de nos difficultés vis à vis de ce même nouvel Ordo.
Depuis notre fondation, nous n'avons pour but que de respecter ce que l'Église nous a donné. Si, par malheur, la démarche de nos confrères devait obtenir comme résultat de nous ôter cette exclusivité, non seulement notre Fraternité n'aurait plus de raison d'exister, mais les fidèles eux-mêmes, totalement désorientés, n'y verraient qu'une nouvelle occasion de division. Quant à nous, nous ne pourrions comprendre facilement ce qui ressemblerait fort à un retour en arrière de la part de l'autorité.
Monsieur l'abbé, lors de notre fondation en 1988, il a bien été affirmé que notre existence était souhaitée pour éviter que de trop nombreux fidèles et prêtres demeurent en dehors de l’Église. A l'heure où nous vous écrivons, nous ne pouvons ignorer que ce péril est plus que jamais présent, au cas où la Fraternité Saint-Pierre viendrait à perdre sa spécificité liturgique. Or c'est ce qui ne peut qu'arriver si les critiques de quelques confrères ne sont pas remises à leur juste place, et si ces confrères ne veulent pas agir avec loyauté vis à vis de leurs supérieurs et de l'ensemble la Fraternité.
Sous votre direction, la Fraternité Saint-Pierre a affirmé depuis onze ans dans les faits comme dans les écrits un attachement sincère et définitif à l'Église romaine. Preuve en a été faite lors du notre pélerinage Rome à la Toussaint 1998, par lequel de très nombreux fidèles ont été confortés dans cette double fidélité.
Pour toutes les raisons énumérées ci-dessus, nous désirons continuer notre apostolat dans la paix sous votre autorité, autorité reconnue par les divers chapitres et ce depuis la fondation de la Fraternité. Nous vous prions donc de bien vouloir faire connaître à la Commission pontificale Ecclesia Dei le soutien que nous vous apportons ainsi qu'à votre gouvernement.
Avec, l'assurance de notre prière fervente, veuillez agréer, monsieur le Supérieur général l'expression de nos sentiments filiaux et respectueux.