Très Saint-Père,
Les colloques et entretiens avec le cardinal Ratzinger et ses collaborateurs, bien qu’ils aient eu lieu dans une atmosphère de courtoisie et de charité, nous ont convaincus que le moment d’une collaboration franche et efficace n’était pas encore arrivé.
En effet, si tout chrétien est autorisé à demander aux autorités compétentes de l’Église qu’on lui garde la foi de son baptême, que dire des prêtres, des religieux, des religieuses ?
C’est pour garder intacte la foi de notre baptême que nous avons dû nous opposer à l’esprit de Vatican II et aux réformes qu’il a inspirées.
Le faux œcuménisme, qui est à l’origine de toutes les innovations du Concile, dans la liturgie, dans les relations nouvelles de l’Église et du monde, dans la conception de l’Église elle-même, conduit l’Église à sa ruine et les catholiques à l’apostasie.
Radicalement opposés à cette destruction de notre foi, et résolus à demeurer dans la doctrine et la discipline traditionnelle de l’Église, spécialement en ce qui concerne la formation sacerdotale et la vie religieuse, nous éprouvons la nécessité absolue d’avoir des autorités ecclésiastiques qui épousent nos préoccupations et nous aident à nous prémunir contre l’esprit de Vatican II et l’esprit d’Assise.
C’est pourquoi nous demandons plusieurs évêques, choisis dans la Tradition, et la majorité des membres dans la Commission Romaine, afin de nous protéger de toute compromission.
Étant donné le refus de considérer nos requêtes, et étant évident que le but de cette réconciliation n’est pas du tout le même pour le Saint-Siège que pour nous, nous croyons préférable d’attendre des temps plus propices au retour de Rome à la Tradition.
C’est pourquoi nous nous donnerons nous-mêmes les moyens de poursuivre l’œuvre que la Providence nous a confiée, assurés par la lettre de Son Éminence le cardinal Ratzinger datée du 30 mai, que la consécration épiscopale n’est pas contraire à la volonté du Saint-Siège, puisqu’elle est accordée pour le 15 août.
Nous continuerons de prier pour que la Rome moderne, infestée de modernisme, redevienne la Rome catholique et retrouve sa Tradition bimillénaire. Alors le problème de la réconciliation n’aura plus de raison d’être et l’Église retrouvera une nouvelle jeunesse.
Daignez agréer, Très Saint-Père, l’expression de mes sentiments très respectueux et filialement dévoués en Jésus et Marie.
Note : Au moment de publier de cette lettre, le Saint-Siège a fait l’observation suivante à son sujet : « À propos de cette lettre, il faut souligner l’absence absolue de fondement à l’argumentation de Mgr Lefebvre lorsque, reprenant, en contradiction avec ce qui a été accepté dans le protocole du 5 mai, sa polémique radicale contre Vatican II, il affirme que l’ordination épiscopale prévue ne serait pas contraire à la volonté du Saint-Siège. À cet égard, il est évident — comme cela résulte du protocole — que l’ordination épiscopale prévue n’aurait pas dû avoir lieu sinon après l’acte formel de réconciliation et dans le cadre de la solution canonique globale, et que le choix du candidat comme sa nomination étaient réservés à la libre décision du Souverain Pontife. Compte tenu de cela, la date du 15 août 1988 avait été indiquée. Maintenant, puisque la lettre de Mgr Lefebvre interrompt expressément le processus de réconciliation, il est clair qu’une ordination épiscopale effectuée par lui serait contraire à la volonté du Saint-Siège. »