Excellence,
Monseigneur le Nonce Apostolique en Suisse m’a bien fait parvenir votre lettre datée du 17 avril dernier. Je vous en remercie. J’en ai pris connaissance avec la plus grande attention, la considérant comme le prolongement de notre entretien du 20 janvier 1985.
Dans la dernière partie de cette lettre, vous présentez cinq propositions concrètes pour régulariser la situation canonique de la Fraternité Saint-Pie-X. Il s’agit là assurément d’un objectif souhaitable et diverses fois envisagé dans le passé. Préalablement, il serait bon que la situation présente (implantation des maisons, catégories et nombre des membres, etc.) soit mieux connue du Saint-siège, et donc souhaitable que vous puissiez me faire donner sur ce point des indications précises.
Mais cette régularisation suppose aussi la condition préalable que connaissez bien d’une déclaration signée par vous-même et par les membres de votre Fraternité. Dans votre lettre du 17 avril, page 1, vous en proposez une version extrêmement brève, qui serait de soi acceptable, mais qui ne l’est malheureusement plus avec l’adjonction des remarques de la page 2, qui selon vous en découlent et l’explicitent.
En effet, le premier point déclare « accepter les textes du Concile selon le critère de la Tradition, c’est-à-dire selon le Magistère traditionnel de l’Église ». Mais les remarques demandent non seulement des révisions notables de plusieurs documents conciliaires, mais encore une « révision totale » de la Déclaration sur la Liberté religieuse, considérée comme « contraire au Magistère de l’Église ». Je ne puis ici que répéter ce que je vous écrivais au nom du Saint-Père dans ma lettre du 20 juillet 1983 (page 3) : « vous pouvez exprimer le désir d’une déclaration ou d’un développement explicatif sur tel ou tel point. Mais vous ne pouvez pas affirmer l’incompatibilité des textes conciliaires – qui sont des textes magistériels – avec le Magistère et la Tradition ». La même chose vaut à propos de l’accusation nouvelle et particulièrement grave que vous portez contre le nouveau Code de Droit Canonique publié dans la plénitude de son autorité par le Pape Jean-Paul II.
Dans le second point, vous déclarez ne pas affirmer « que le Nouvel Ordo Missæ, célébré selon le rite indiqué dans la publication romaine, est de soi invalide ou hérétique ». Néanmoins, votre seconde remarque maintient des accusations considérables à l’égard de la Réforme Liturgique, qui constituerait « un danger très grave pour la foi catholique ». Là encore, je ne puis que vous rappeler ce que je vous ai écrit dans la lettre déjà citée (p. 1 et 2), et notamment ceci : « (…) l’expression du désir d’une nouvelle révision est possible (…). Mais ceci à condition que la critique n’empêche pas et ne détruise pas l’obéissance, et qu’elle ne mette pas en discussion la légitimité de la liturgie de l’Église ».
Excellence, j’aurais souhaité pouvoir vous donner dès maintenant, et de la part du Souverain Pontife, une réponse plus favorable, et envisager sans plus de retard la mise en œuvre d’un processus de régularisation bien des fois évoqué entre nous oralement et par écrit. Avec regret, je constate que ce n’est pas encore possible. En conscience, je dois vous inviter à une réflexion ultérieure en présence du Seigneur Jésus et de la Vierge Marie, Mère de l’Église.
Soyez du moins assuré qu’à cette intention toute spéciale j’unis ma prière à la vôtre. Et veuillez agréer l’expression de mes sentiments de religieux et très respectueux dévouement.