Très Saint-Père,
Que Votre Sainteté nous permette, avec une franchise toute filiale, de lui soumettre les réflexions suivantes.
La situation de l’Église est telle, depuis vingt ans, qu’elle apparaît comme une cité occupée.
Des milliers de membres du clergé et des millions de fidèles vivent dans l’angoisse et la perplexité, en raison de “l’autodestruction de l’Église”. Les erreurs contenues dans les documents du concile Vatican II, les réformes post-conciliaires et spécialement la réforme liturgique, les fausses conceptions diffusées par des documents officiels, les abus de pouvoir accomplis par la hiérarchie, les jettent dans le trouble et le désarroi.
En ces circonstances douloureuses, beaucoup perdent la foi, la charité se refroidit, le concept de la véritable unité de l’Église dans le temps et dans l’espace disparaît.
En notre qualité d’évêques de la Sainte Église catholique, successeurs des Apôtres, nos cœurs sont bouleversés à la vue de tant d’âmes, dans le monde entier, désorientées et désireuses pourtant de demeurer dans la foi et la morale qui ont été définies par le magistère de l’Église et qui par elle ont été enseignées d’une manière constante et universelle.
Nous taire dans cette occurrence nous semblerait devenir complices de ces mauvaises œuvres (Cf. 2 Jn 11).
C’est pourquoi, considérant que toutes les démarches que nous avons faites en privé depuis quinze ans sont demeurées vaines, nous nous voyons obligés d’intervenir publiquement auprès de Votre Sainteté, afin de dénoncer les causes principales de cette situation dramatique et de La supplier d’user de son pouvoir de Successeur de Pierre pour « confirmer ses frères dans la foi » qui nous a été fidèlement transmise par la Tradition apostolique.
À cet effet nous nous permettons de joindre à cette lettre une annexe contenant les erreurs principales qui sont à l’origine de cette situation tragique et qui, d’ailleurs, ont déjà été condamnées par vos prédécesseurs.
La liste qui suit en donne l’énoncé, mais n’est pas exhaustive :
- Une conception “latitudinariste” et œcuménique de l’Église, divisée dans sa foi, condamnée particulièrement par le Syllabus, (n° 18).
- Un gouvernement collégial et une orientation démocratique de l’Église, condamnée particulièrement par le concile Vatican I.
- Une fausse conception des droits naturels de l’homme qui apparaît clairement dans le document sur la liberté religieuse, condamnée particulièrement par Quanta cura (Pie IX) et Libertas praestantissimum (Léon XIII).
- Une conception erronée du pouvoir du Pape.
- La conception protestante du saint sacrifice de la messe et des sacrements, condamnée par le concile de Trente, sess. XXII.
- Enfin, d’une manière générale, la libre diffusion des hérésies caractérisée par la suppression du Saint-Office.
Les documents contenant ces erreurs causent un malaise et un désarroi d’autant plus profonds qu’ils viennent d’une source plus élevée. Les clercs et les fidèles les plus émus par cette situation sont d’ailleurs ceux qui sont les plus attachés à l’Église, à l’autorité du Successeur de Pierre, au magistère traditionnel de l’Église.
Très Saint-Père, il est urgent que ce malaise disparaisse, car le troupeau se disperse et les brebis abandonnées suivent des mercenaires. Nous vous conjurons, pour le bien de la foi catholique et du salut des âmes, de réaffirmer les vérités contraires à ces erreurs, vérités qui ont été enseignées pendant vingt siècles par la sainte Église.
C’est dans les sentiments de saint Paul vis-à-vis de saint Pierre lorsqu’il lui reprochait de ne pas suivre « la vérité de l’Évangile » que nous nous adressons à Vous. Son but n’était autre que de protéger la foi des fidèles.
Saint Robert Bellarmin, exprimant à cette occasion un principe de morale générale, affirme que l’on doit résister au pontife dont l’action serait nuisible au salut des âmes (De Rom. Pont. 1. 2, c. 29).
C’est donc dans le but de venir en aide à Votre Sainteté que nous jetons ce cri d’alarme, rendu plus véhément encore par les erreurs du nouveau Droit Canon, pour ne pas dire les hérésies, et par les cérémonies et discours à l’occasion du cinquième centenaire de la naissance de Luther. Vraiment, la mesure est comble.
Que Dieu Vous vienne en aide, Très Saint-Père, nous prions sans cesse, à votre intention, la Bienheureuse Vierge Marie.
Daignez agréer les sentiments de dévouement filial qui sont les nôtres.