Monseigneur,
Le Saint-Père vient de recevoir votre lettre du 22 juin. Il me charge de vous transmettre sa pensée à ce sujet. Certes, comme je vous l’avais dit moi-même en avril dernier dans une lettre fraternelle, ce qui vous est demandé requiert de votre part une obéissance courageuse, d’autant plus que vous avez volontairement poursuivi votre chemin dans ce qui était manifestement une impasse. Mais vous ne sauriez qualifier de « cruauté » l’attitude du Saint-Siège qui ne fait que prendre acte de votre propre comportement et adopter les mesures que celui-ci appelle.
Le 19 mars, je vous avais dit très franchement ce qui, dans vos jugements négatifs sur le Concile, dans vos propos fréquents sur les organismes du Saint-Siège et leurs directives en application du Concile, dans votre façon de procéder à l’encontre de la responsabilité des autres évêques dans leurs diocèses respectifs, était inadmissible pour Sa Sainteté, contraire à la communion ecclésiale et dommageable pour l’unité et la paix de l’Église. Il vous était seulement demandé d’admettre clairement votre tort sur ces points nécessaires pour toute âme catholique, après quoi on aurait étudié la façon la meilleure de faire face aux problèmes pendants posés par vos œuvres.
Or non seulement vous ne l’avez pas fait depuis plus de trois mois, malgré vos promesses, mais vous avez continué dans la même ligne, prenant même de nouvelles initiatives dans plusieurs régions d’Europe et d’Amérique. Ce scandale public ne pouvait qu’attirer l’admonestation publique du Saint-Père, le 24 mai dernier. Vous avez remarqué d’ailleurs que le Saint-Père s’oppose avec la même fermeté aux abus qui se font dans l’autre sens, en marge et à l’encontre du vrai sens conciliaire, et que vous prétendez être à l’origine de votre attitude. Or même après cet appel sévère, mais paternel et ouvert à l’espérance, vous vous obstinez et voulez ordonner des prêtres dans le même esprit, sous votre propre responsabilité, indépendamment des Ordinaires des lieux, dans le cadre d’une Œuvre que l’autorité ecclésiastique compétente a juridiquement suspendue.
Le Saint-Père me charge aujourd’hui même de confirmer la mesure qui vous a été intimée en son nom, de mandata speciali : vous abstenir actuellement de conférer des séminaristes ordinands : c’est justement l’occasion de leur expliquer, ainsi qu’à leurs familles, que vous ne pouvez les ordonner au service de l’Église contre la volonté du Pasteur suprême de l’Église. Il n’y a rien de désespérant dans leurs cas : s’ils sont de bonne volonté et sérieusement préparés à un ministère presbytéral dans la fidélité véritable à l’Église conciliaire, on se chargera de trouver ensuite la meilleure solution pour eux, mais qu’ils commencent d’abord, eux aussi, par cet acte d’obéissance à l’Église. Ils n’ont d’ailleurs pas manqué d’être prévenus à temps. En cas de transgression, ils doivent savoir qu’ils s’exposent à la peine canonique prévue au can. 2374 ; et si, témérairement, ils ne voulaient pas en tenir compte, ils s’exposent à l’irrégularité (cf. can. 985, §7), tandis que l’Ordinant encourrait la suspension pour un an ab ordinum collatione, selon le can. 2373 §1 et 3, même indépendamment du précepte qui lui a été communiqué récemment par l’intermédiaire du nonce apostolique.
Le R. P. Dhanis, consulteur de la Congrégation pour la Doctrine de la Foi et professeur à l’université pontificale grégorienne, vous portera cette lettre. Encore que tout soit bien clair, il va sans dire qu’il est prêt à donner telle ou telle explication que vous pourriez souhaiter.
Veuillez agréer, Monseigneur, l’assurance de ma prière à vos intentions en cette grave circonstance, et de mon dévouement en N.S.