Vénérables Pères,
On peut, me semble-t-il, exprimer brièvement comme suit les principes de la Déclaration sur la liberté religieuse :
« Fondée sur la dignité de la personne humaine, la liberté religieuse exige l’égalité de droits pour tous les cultes dans la société civile. Celle-ci doit donc être neutre et assurer la protection de toutes les religions, dans les limites de l’ordre public. »
Cette conception est-elle nouvelle ou bien affirmée déjà depuis de longs siècles ?
Le rapporteur lui-même a déjà répondu à cette question. Page 43, il écrit :
« Une assez longue évolution historique, positive, morale, a conduit à cette conception, en vigueur seulement depuis le XVIIIe siècle. » Cet aveu ruine ipso facto toute l’argumentation de la déclaration.
En effet, où est entrée en vigueur cette conception ? Dans la tradition de l’Eglise ou bien hors de l’Eglise ? Evidemment, chez les soi-disant philosophes du XVIIIe siècle : Hobbes, Locke, Rousseau, Voltaire… Au nom de la dignité de la raison humaine, ils ont tenté de détruire l’Eglise, en faisant massacrer d’innombrables évêques, prêtres, religieuses et fidèles.
Au milieu du XIXe siècle, avec Lamennais, les catholiques libéraux ont tenté d’accommoder cette conception avec la doctrine de l’Eglise : ils furent condamnés par Pie IX.
Cette conception, qu’il appelle « un droit nouveau » dans son encyclique Immortale Dei, le pape Léon XIII l’a solennellement condamnée comme contraire à la saine philosophie, contraire à l’Ecriture Sainte et à la Tradition.
Cette même conception, ce « droit nouveau » tant de fois condamné par l’Eglise, la Commission conciliaire nous propose, à nous, Pères de Vatican II, d’y souscrire et de le contresigner.
C’est au nom de cette même conception, au nom de la dignité de la personne humaine, que les communistes veulent réduire tous les hommes à l’athéisme et légitiment leurs persécutions contre toutes les religions.
Au nom de l’ordre public à sauvegarder, de nombreux Etats nationalisent les écoles et institutions de l’Eglise, afin de créer l’unité politique.
Jésus-Christ lui-même fut crucifié au nom de l’ordre public et, au nom de ce même ordre, tous les martyrs ont subi leur supplice.
Cette conception de la liberté religieuse est celle des ennemis de l’Eglise. Cette année, le franc-maçon Yves Marsaudon a publié un livre : L’Œcuménisme vu par un franc-maçon de tradition. L’auteur du libre y exprime l’espoir des francs-maçons que notre Concile proclame solennellement la liberté religieuse. De même, les protestants, réunis en assemblée en Suisse, attendent de nous le vote de la déclaration, sans aucune atténuation de ces termes.
Que désirer de plus pour notre information ?
Comme dit Léon XIII, ce droit nouveau tend « à l’anéantissement de toutes les religions, notamment de la religion catholique laquelle, étant la seule vraie entre toutes, ne peut être égalée aux autres sans une suprême injustice ».
Enfin et en somme, où se trouve le défaut de toute cette argumentation, impossible à prouver par la Tradition ou l’Ecriture Sainte, appuyée seulement sur la raison ?
Voici pourquoi elle ne peut se procurer par la raison : elle omet de définir les notions de liberté de conscience, de dignité de la personne humaine. En effet, définir ces notions, c’est ruiner toute l’argumentation.
Or, en saine philosophie, ces notions ne peuvent être définies sinon par rapport à la loi divine.
La liberté nous est donnée pour l’observance spontanée de la loi divine.
La conscience est la loi divine naturelle inscrite dans notre cœur et, après la grâce du baptême, la loi divine surnaturelle.
La dignité de la personne humaine s’acquiert par l’observance de la loi divine. Qui méprise la loi divine perd, par là, sa dignité. Les damnés conserveraient-ils encore leur dignité en enfer ?
Il est impossible de parler véridiquement de liberté, de conscience, de dignité de la personne, sinon par rapport à la loi divine.
Cette observance de la loi divine est le critère de la dignité humaine. L’homme, la famille, la société civile possèdent une dignité dans la mesure où ils respectent la loi divine.
La loi divine elle-même nous indique les règles pour le bon usage de notre liberté.
La loi divine elle-même marque les limites de la contrainte permise aux autorités constituées par Dieu.
La loi divine elle-même donne la mesure de la liberté religieuse.
Comme seule l’Eglise du Christ possède l’intégrité et la perfection de la loi divine naturelle et surnaturelle ; comme elle seule a reçu la mission de l’enseigner et les moyens de l’observer, c’est en elle que se trouve véritablement et réellement Jésus-Christ, qui est notre loi. En conséquence, elle seule possède un droit véritable à la liberté religieuse, partout et toujours.
Les autres cultes, dans la mesure où ils observent cette loi d’une certaine façon, possèdent, on peut le reconnaître, quelque titre plus ou moins fondé à l’existence publique et active. Il s’agit alors de cas particuliers, là où existe une grande variété de cultes qui peuvent être examinés cas par cas.
La loi divine est la clef de toute cette question de la liberté religieuse, parce qu’elle est la norme fondamentale de la religion elle-même et le critère de la bonté et de la dignité de toute l’activité humaine. Nous ne pouvons parler de religion, abstraction faite de la loi divine. Le même principe fonde la religion et l’obligation.
Témoins l’Ancien Testament et le peuple élu, pour qui la loi divine, gravée sur des tables, était vénérable à l’instar de Dieu même.
J’ai dit.