Vénérables Pères,
Cette déclaration sur la liberté religieuse doit être abrégée, comme l’ont déjà dit plusieurs Pères, afin d’éviter les questions controversées et leurs conséquences dangereuses.
Pour éviter ces dangers, les remarques suivantes me semblent s’imposer :
La liberté, en effet, se conçoit de façon diverse chez les saints, chez les hommes qui vivent sur la terre, chez les damnés.
La liberté est une qualité relative et non absolue. Elle est bonne ou mauvaise selon qu’elle tend au bien ou au mal.
2° Il faut bien distinguer, parmi les actes divers de la conscience, les actes intérieurs de la religion et les actes extérieurs, car ces actes extérieurs peuvent ou édifier ou scandaliser.
Et qui de nous peut oublier la parole de Notre-Seigneur à propos de ceux par qui le scandale arrive ? (Luc, XVII, 1.)
3° Quand il s’agit de liberté à propos d’actes extérieurs, il est question aussi, nécessairement, de l’autorité, dont la fonction va jusqu’à aider les hommes à accomplir le bien, à éviter le mal, c’est-à-dire à bien user de leur liberté, selon le conseil de saint Paul aux Romains : « Veux-tu n’avoir pas à craindre l’autorité ? Fais le bien. » (Rom., XIII, 3.)
La déclaration contre la contrainte, au N° 28, est ambiguë et, sous certains aspects, fausse. Qu’en est-il, en effet, de l’autorité paternelle des pères de famille chrétiens sur leurs enfants ? De l’autorité des maîtres dans les écoles chrétiennes ? De l’autorité de l’Eglise sur les apostats, les hérétiques, les schismatiques ? De l’autorité des chefs d’Etat catholiques sur les religions fausses, qui apportent avec elles l’immoralité, le rationalisme, etc. ?
4° Attention aux conséquences très graves de cette déclaration sur le droit à suivre la voix de sa conscience et d’agir extérieurement selon cette voix.
Et en effet, une doctrine religieuse influence logiquement toute la morale. Qui ne voit les innombrables conséquences en cet ordre de choses ? Et qui pourra déterminer le critère du bien et du mal, quand on a délaissé le critère de moralité selon la vérité catholique révélée par le Christ ?
On ne peut affirmer la liberté de toutes les communautés religieuses dans la société humaine, selon le N° 29, sans accorder également la liberté morale à ces communautés : morale et religion sont intimement liées, par exemple la polygamie et la religion islamique.
Une autre conséquence grave sera l’amenuisement du rôle capital des missions et du zèle à évangéliser les païens et les non-catholiques, puisque la voix de la conscience d’un chacun est considérée, selon le rapporteur, comme une vocation personnelle et providentielle.
Qui ne voit l’immense dommage causé à l’apostolat de l’Eglise par cette affirmation ?
5° Cette déclaration s’appuie sur un certain relativisme et un certain idéalisme.
D’une part, elle considère des situations particulières et changeantes de notre temps et cherche de nouveaux principes directeurs de notre activité, à l’instar des gens qui considèrent uniquement un cas particulier, comme aux Etats-Unis, par exemple. Or, ces circonstances peuvent changer, et, en fait, elles changent.
D’autre part, comme cette déclaration n’est pas fondée sur les droits de la vérité qui, seuls, peuvent fournir une solution vraie et stable en toute circonstance, on se trouve inévitablement placé devant les plus graves difficultés. D’ailleurs, c’est bien à tort que les rédacteurs dénient le sens de la vérité aux chefs chrétiens des nations. L’expérience prouve la fausseté totale d’un tel jugement : de quelque façon, tout le monde perçoit la vérité, aussi bien ceux qui la contredisent et persécutent les croyants, que les incroyants respectueux de la vérité et de ses croyants.
En conclusion :
Si cette déclaration, dans sa teneur actuelle, vient à être solennellement acceptée, la vénération dont l’Eglise catholique a toujours joui après de tous les hommes et de toutes les nations, à cause de son amour de la vérité, indéfectible jusqu’au martyre, subira un grave dommage, et cela pour le malheur d’une multitude d’âmes que la vérité catholique n’attirera plus.
J’ai dit.