La Note personnelle relative au schéma conciliaire De Ecclesia nous a causé, comme vous pouvez bien l’imaginer, surprise et trouble, tant par le nombre et la dignité des signataires, que par la gravité des objections soulevées au sujet de la doctrine du schéma et des assertions radicalement opposées, et, à notre avis personnel, soutenues par des arguments discutables; que, enfin, par le moment où la « Note » nous est parvenue, c’est-à-dire la nuit précédant l’ouverture de la IIIe session du Concile œcuménique Vatican II, quand il n’était plus possible de soumettre le schéma à un nouvel examen, en raison des très graves et ruineuses répercussions, bien faciles à prévoir, sur le résultat du Concile et donc sur l’Eglise entière et particulièrement sur l’Eglise romaine, qu’aurait eues la mise en pratique des suggestions faites par la « Note » elle-même.
Il nous semble pour le moment suffisant et convenable de vous informer, pour votre tranquillité et notre justification, que nous n’avons de notre part rien négligé de ce qui nous semblait juste et opportun de faire, afin que la préparation du schéma fût faite en conformité avec la saine doctrine et au moyen de discussions libres, sereines et objectives. Nous-même nous avons voulu nous rendre compte de la controverse relative à certaines affirmations du schéma, et du bien-fondé des formules adoptées, en consultant des théologiens italiens et étrangers d’excellente réputation, et en nous réservant d’insérer après le texte définitif des amendements éventuels, là où l’orthodoxie ou la clarté de l’exposé semblerait l’exiger. Nous-même avons ordonné que la Commission « De Doctrina Fidei et morum » reprît en examen les propositions controversées, et nous-même avons disposé que la Commission biblique pontificale se prononçât à propos de l’exégèse de quelques passages scripturaires cités dans le schéma à l’appui des thèses discutées, en obligeant ainsi la Commission « De Doctrina Fidei et morum » à une nouvelle réunion et à un nouvel examen des points disputés. De plus, cela a été pour nous une raison de n’être pas inquiet, de savoir que le schéma, qui avait été longtemps passé au crible par les membres de la Commission en question, et de la sous-commission compétente, a obtenu l’approbation explicite du président de la même commission, M. le cardinal Ottaviani, secrétaire de la Sacrée Congrégation du Saint Office, et le soutien encore plus explicite de l’assesseur du Saint Office, Monseigneur Parente, lui aussi théologien illustre, outre le vote favorable et presque unanime de la Commission « De Doctrina Fidei et morum ».
Nous pouvons donc vous assurer, Monsieur le cardinal, que la rédaction du schéma est exempte des pressions et des manœuvres auxquelles vos écrits cités plus haut attribuent son origine.
Et il nous semble qu’on ne peut pas non plus accuser de nouveauté indue la présentation du schéma au Concile, comme s’il avait été imposé par surprise, alors que le thème traité est lié à ceux du Concile œcuménique Vatican I, et que sa présentation même a été précédée par un long débat dans la première et dans la deuxième session de ce Concile. La Congrégation générale du Concile du 30 octobre 1963 avait déjà donné avec autorité des indications d’orientation à ce propos, de nature au moins à avertir tous et chacun des Pères conciliaires du contenu et de l’importances des doctrines en question. S’il devait rester quelques doutes à cet égard, il suffirait pour les dissiper de rappeler que des brochures détaillées et faisant autorité, quoique non autorisées, avaient été envoyées aux Pères conciliaires pour soutenir des thèses contraires à celles du schéma, et qu’on les avait fait parvenir aux Pères quelques semaines avant la réouverture du Concile. Ce serait donc presque une offense à leur sagesse que de supposer qu’ils n’avaient pas une connaissance exacte et une conscience avertie des aspects doctrinaux graves et délicats du schéma.
Il nous paraît également injustifié d’affirmer que la majorité des Pères soit victime de « toutes sortes de moyens de propagande », et que les doctrines en question soient « imposées par quelques blocs de force, qui ont fait appel à certains facteurs d’ordre psychologique et non théologique », ni, à dire vrai, croyons-nous, fondée sur la crainte qu’on y attente à la doctrine du Primat de ce Siège apostolique ; nous croyons plutôt devoir nous féliciter des professions explicites et répétées de pleine reconnaissance et de dévouement sincère qu’on lui a rendues dans cette circonstance solennelle.
Nous voulons voir dans ces graves appréciations et suggestions un noble souci pour l’orthodoxie de la doctrine et une sollicitude empressée pour notre faiblesse personnelle quant aux devoirs de notre charge apostolique ; et nous vous en remercions. Nous serons toujours très sensible à l’appel adressé à un moment aussi extraordinaire, à notre suprême responsabilité, déjà rendue vigilante par les vives prières au Seigneur et par l’offrande de notre humble vie, afin que notre témoignage soit fidèle à la pureté de ses enseignements et au vrai bien de la Sainte Eglise. Nous vous prions de croire que nous nous efforçons de suivre la rédaction définitive du schéma dans le but d’en enlever tout ce qui apparaîtrait non conforme à la bonne doctrine et d’y faire toutes retouches justifiées. Nous ne nous cachons pas pourtant que des problèmes nouveaux pour la vie de l’Eglise pourront peut-être jaillir ; ce sera la charge de celui qui y exerce la fonction de guide de veiller au sommet à ce que ceux-ci trouvent des solutions heureuses et cohérentes avec les traditions fondamentales et les intérêts supérieurs de l’Eglise même ; mais nous faisons confiance à l’aide de Dieu et nous sommes convaincu que ces solutions seront d’autant plus aisées et utiles que la Curie romaine, toujours consciente de ses fonctions très élevées, saura accueillir les conclusions du Concile avec une faveur prompte et sagace.
Laissez-nous, à ce propos, vous prier, Monsieur le cardinal, et tous ceux qui ont partagé votre intervention auprès de nous, de nous assister toujours dans nos difficiles devoirs et de bien vouloir, à votre tour, songer quelle source de conséquences nocives serait une attitude (si elle était dépourvue de raisons vraies et prouvées) si contraire à la majorité de l’épiscopat et si préjudiciable au succès du Concile œcuménique, ainsi qu’au prestige de la Curie romaine.
Veuillez, Monsieur le cardinal, et tous ceux qui se sont associés à vous, persévérer dans la prière, afin que le Saint-Esprit assiste la grande et extraordinaire assemblée conciliaire, et veuille bien guider avec Sa lumière et Sa vertu celui entre tous le dernier et qui a le plus besoin de l’aide céleste qui, par disposition divine, est placé en cette heure solennelle à la tête de l’Eglise du Christ.
Avec révérence et bienveillance, nous vous envoyons, en cette occasion aussi, notre bénédiction apostolique.